Tout changement dans les relations humaines suppose un “prix à payer” dans deux directions.
  • Un prix à payer par soi-même : réactivation de l’insécurité, nouvelles interrogations, en mutations dans les conduites et les comportements.
  • Un prix, que nous fait payer l’entourage, surtout ceux qui nous sont proches par diverses réactions défensives et contradictoires.

Dans un premier temps celui qui veut changer pense qu’il va devenir différent, devenir un autre, puis il va découvrir qu’il est plus important de devenir soi-même que quelqu’un d’autre.

Toute démarche de changement n’ouvre pas nécessairement une crise - comme on le croit trop souvent - il transforme le plus souvent une crise larvée en crise ouverte.

Il y a un postulat de base à intégrer pour celui qui a entrepris une démarche de développement personnel ou de changement : ne pas trop compter sur la compréhension de ceux qui prétendent vous aimer, car cette attente risque d’être déçue. Si elle est comblée, recevez-là comme un vrai cadeau que vous fait votre entourage, en soutenant votre démarche, en acceptant d’être bousculé, dérangé ou irrité par les mutations qu’ils vont percevoir chez vous et qui d’une certaine façon les invite à se remettre en cause dans la relation qu’ils vous proposaient jusque là !

Préambule : Tout changement, toute évolution à partir d’une psychothérapie ou d’une démarche de formation aux relations humaines va non seulement vous insécuriser et vous déstabiliser, dans un premier temps (malgré l’enthousiasme ou l’euphorie des premières découvertes), mais aussi inquiéter votre entourage, vos proches et mobiliser chez eux, le plus souvent, des énergies contraires au mouvement d’évolution et d’ajustement que vous tentez d’amorcer.

Les risques à envisager sont nombreux et vont de toute façon vous surprendre, surtout venant de la part de ceux chez lesquels vous aviez confiance et dont vous attendiez un soutien, une confirmation… C’est fréquemment une infirmation, des doutes, des critiques voire une disqualification qui vont se déposer sur vous.

Quelles seront les réactions les plus fréquentes de votre entourage ?

  • Au delà d’une incompréhension, un retrait, une prudence méfiante, d’autant plus forte que votre changement sera spectaculaire.
  • Une possible marginalisation de vous ou de votre démarche, des commentaires allant de l’ironie à l’accusation manifeste.
  • Un refus voire un rejet d’en entendre plus :  « Tout cela ne m’intéresse pas, c’est ton affaire, même si tu as tort… ».
  • Des jugements de valeur sur votre personne  « Tu es folle ! », « Tu es vraiment inconscient de faire des choses comme ça ! », « Il va falloir te faire soigner ! », « Tu ne penses qu’à toi, tu es devenu égoïste ! »
  • Des jugements de valeur sur votre démarche, la méthode ou l’animateur de la démarche :  « Tu n’es plus normal, tu es tombé dans une secte ! », « Tu t’es fait envoûter c’est pas possible ! », « Et tu payes pour ça, tu te fais escroquer sans t’en rendre compte… », « J’ai entendu des tas de trucs sur ce type qui se prétend formateur, méfie-toi de son emprise… »
  • Un renforcement du système relationnel précédent et une recrudescence chez vos proches, des conduites, des attitudes ou des comportements… que justement vous souhaitiez éviter ou changer !
  • Des contraintes, parfois des violences verbales et quelquefois physiques pour vous obliger à revenir sur des positions antérieures, sur un mode de relation plus connu, plus raisonnable.
  • Une intrusion dans votre démarche pour savoir "comment cela se passe vraiment". Des dénonciations, des délations à certains organismes de protection et d’aide…

Tout cela bien-sûr, n’exclut pas de votre part, une vigilance, une attentivité, une écoute respectueuse de vos proches envers leurs inquiétudes qui sont réelles (même si elles ne sont pas fondées) par rapport à vos démarches de formation ou de changement.

Il est possible aussi que ceux qui vous aiment, acceptent de se remettre en cause au travers de votre propre cheminement. La rencontre des différences et des stimulations ouvrira à de nouveaux possibles.

Ne jamais oublier que toute démarche de changement bouscule non seulement vous-même, mais aussi votre entourage. C’est donc une invitation mutuelle au partage, au dialogue et à des échanges ouverts pour retrouver la sève profonde de toute relation : la tolérance.


Et si nous parlions de communication inter générationnelle…  

Par Jacques Salomé

Ceux que nous appelons aujourd’hui les seniors et qu’on nommait il y a quelques années encore, le troisième âge, considéré souvent comme le dernier âge de l’existence, sont de plus en plus présents et actifs dans notre vie. Ils découvrent le plus souvent qu’ils sont passés à côté du meilleur de leur vie quand “ils travaillaient ou bossaient pour l’avenir…” Ils ont au moment de leur retraite une fringale, une appétance de vie qui leur donne des ailes pour vivre au présent et le désir de laisser quelque chose à ceux qui les suivent…

La plupart ont compris que la retraite, la cessation d’une activité professionnelle ne signifiait ni un repliement sur soi, ni le début d’une vie en pantoufles, ni une vie d’évasion dans des croisières pseudo culturelles… ou des voyages en bétaillère ultra modernes appelés charter !

Ils sont présents non seulement parce qu’ils sont vivants, disponibles ou engagés dans la réalisation longtemps différée d’une passion, d’un hobby, mais surtout parce que libérés de soucis professionnels et jouissant parfois (pas toujours) d’une relative aisance financière ou disons de peu de soucis de survie, ils sont curieux, passionnés par la vie et avides souvent de faire partager, de mettre à disposition leurs ressources.

Tous ceux là, ces jeunes vieux, de plus en plus nombreux, en forme, qui constituent un potentiel de changement immense, pouvant s’appuyer sur un vécu, des compétences et une ouverture à l’imprévisible de l’avenir.

Quand on a traversé prés de 2/3 de siècle de vie, accumulé une variété inouïe d’expériences, éprouvé des difficultés, rencontré des satisfactions, quand on a souffert, qu’on s’est relevé, qu’on à pris du recul, quand on n’a plus le nez “dans le guidon de l’existence”, il est possible de donner un sens nouveau à sa vie.

Et le sens qui me semble le plus nécessaire aujourd’hui, le plus vital, le plus urgent aussi à retrouver pour chaque senior, homme ou femme, c’est de tenter de donner et de transmettre plus de vivance… à la vie. A la vie qui vous entoure et dont ils peuvent constater, tous les jours, qu’elle est maltraitée, violentée, stérilisée…

Cela peut sembler paradoxal de proposer cela à ceux qui sont dans la dernière ligne droite de leur existence, sur le versant irrémédiable qui conduit vers la vieillesse, l’affaiblissement peut-être et de toute façon la mort ! Cela peut paraître contradictoire de proposer, à des personnes coupées de la vie active, d’utiliser toutes leurs ressources pour revitaliser la vie, pour redonner plus de vivance à une vie qui se stérilise autour d’eux, qui se dévitalise ou qui est trop violentée, par les générations qui les suivent.

Car la vivance de la vie est menacée aujourd’hui, comme jamais dans l’histoire de l’humanité.

Quelques repères pour situer l’enjeu de ma réflexion.

L’homme a toujours été un prédateur à la fois pour ses semblables et pour la planète Terre qui l’a accueilli, il y a semble-t-il, un million et demi d’années.

Tant que je suis un prédateur pour l’autre, avec une massue ou pour mon coin de Terre, avec une charrue à soc de bois, il est toujours possible, à quelques uns et dans une relation directe de me contenir, de me limiter ou même de m’influencer.

Mais le prédateur renforcé, surpuissant que je suis devenu, entouré et appuyé par un arsenal technologique de haut niveau et d’une redoutable efficacité, échappe à la relation directe (écrans, brouillages, technologiques à l’appui) et devient pratiquement invincible, tout au moins de plus en plus inaccessible et d’une certaine façon aveugle et sourd à une influence lui permettant d’accéder un plus de conscience.

Aujourd’hui en appuyant sur un bouton, en signant un décret tel que celui du sang contaminé, en prenant la décision de jeter dans les océans des déchets nucléaires, je mets en danger non seulement l’existence de mes semblables mais celle de mes arrières, arrières, arrières petits enfants !

Il y a depuis un siècle environ une accélération considérable de la dévivance de la vie, qui se traduit sur de nombreux plans (altération de la couche d’ozone, réchauffement de la planète, diminution de la couche d’humus, désertifications, déforestations, pollutions diverses tout azimut…) dont le contrôle m’échappe, échappe à la plupart des citoyens. Il y a cependant une dévivance à la fois plus cachée, insidieuse et toxique au quotidien, donc paradoxalement plus accessible, influençable, celle de la dévitalisation, de l’appauvrissement de la communication intime, de la communication avec le prochain, avec tous ceux que nous côtoyons.

Dévitalisation qui se traduit aujourd’hui par du mal être (dépression, béquillage médicamenteux, somatisations à répétitions) par de la violence et de l’auto violence (la prise de drogue qui est un suicide différé) une dégradation de l’humus social (insécurité, tensions, violences) une déresponsabilisation de plus en plus importante (victimisation, assistanat), une mise en péril du couple, de la famille, de l’école qui devient parfois toxique et menaçante, il y aussi tous les méfaits du harcèlement moral dans le monde du travail…

Si je décris ce tableau apocalyptique, ce n’est pas pour renforcer le malaise ou les inquiétudes, de ceux qui me lisent, c’est pour mettre en évidence le lien qu’il y a entre incommunication et dévitalisation du principe vivant, entre désertification des relations et violences ou auto violence dans les relations proches et sociales d’aujourd’hui.

Si nous acceptons d’entendre que nous sommes des êtres de communication, que l’échange, le partage, le dialogue est nécessaire à l’existence de chacun et donc que la communication est la sève de la vie, il me paraît urgentissime de s’en préoccuper, de la réhabiliter, de lui donner la place qu’elle mérite.

Nous sommes dans une culture où nous savons plus de choses sur la Lune que sur les relations humaines.

Nous avons hypertrophié la communication avec le lointain et hypotrophié la communication avec le prochain.

Nous avons hyper développé la communication de consommation, confondue avec l’accélération de la circulation de l’information et maltraité, ignoré, la communication relationnelle non violente. Cette communication relationnelle qui débouche sur la mise en commun, le partage, le dialogue, qui nous amplifie, nous relie, nous prolonge et nous permet de rencontrer le meilleur de soi avec le meilleur de l’autre.

Mon utopie, aujourd’hui, à moi qui suis aussi sur ce versant de vie, c’est que les seniors puissent se mobiliser, s’investir dans cette mission possible, accessible, offerte à chacun de réconcilier les enfants, les adolescents, les jeunes adultes avec une communication relationnelle sans violence. En témoignant, en se positionnant, en ouvrant des ateliers de communication élémentaire, au ras des pâquerettes, centrés sur le quotidien, sur le partage des expériences et des vécus, dans leur quartier, dans leur village, en créant en quelque sorte des Oasis Relationnelles. Ils en ont souvent les moyens, l’expérience, l’impact possible, c’est sur eux que je mise. Car peu d’autres personnes ne sont autant qu’eux-mêmes au cœur de la vie quotidienne, ne côtoient tous les âges de la vie et en quelque sorte ne sont mieux placées pour leur apprendre…

Comment, me demande-t-on souvent ?

En acceptant de découvrir (et il faut beaucoup d’humilité et de courage pour cela) que nous sommes aujourd’hui des infirmes de la communication et qu’il nous appartient d’apprendre à communiquer autrement.

En s’appuyant sur des outils, des moyens, en mettant en pratique dans son quotidien immédiat, ce que j’appelle des Règles d’Hygiène Relationnelles élémentaires, accessibles et transmissibles.

La communication intergénérationnelle est aujourd’hui en souffrance, quasi inexistante, les adultes ont peur des enfants et des adolescents, les enfants et les adolescents font de moins en moins confiance aux adultes. Le fossé de l’incompréhension, de l’incommunication s’agrandit. Les violences, les passages à l’acte s’accentuent et c’est sur ce terreau, que je propose justement d’apprendre à mettre en commun autrement. Une communication retrouvée entre générations, faite d’une mise en mots à partir d’un vécu, d’un positionnement de vie, d’une affirmation au présent face à des jeunes en errance, à tous ces adultolescents qui ne se sont pas encore frottés aux réalités, qui ont tant de peine à entrer dans le grand cycle de l’existence, pour les réconcilier avec le goût de la vie.


A l'origine des grandes thérapies, il y a des névroses, des pathologies et des symptômes… chez leurs inventeurs !  

Par Jacques Salomé

Peut-être qu’un jour, un chercheur écrira-t-il un livre pour montrer le lien étonnant (détonnant) entre les particularités de telle ou telle psychothérapie et la pathologie de base de son inventeur.

Nous savions que Freud était phobique, et qu’il l’est resté jusqu’à la fin de sa vie. Tout cela n’enlève rien à la valeur de sa démarche, bien au contraire. Cela a certainement nourrie la découverte de la psychanalyse (avec le risque de quelques impasses, paradoxes, distorsions contradictions et déchirements) et alimenté les débats entre les différentes écoles qui en sont issues.

Ces quelques remarques, énoncées comme un point de vue un peu provocateur, ne représentent pas une critique mais un point d’ancrage possible pour mieux entendre le courage, l’angoisse, les doutes qui ont traversé les découvreurs d’une connaissance ou d’une thérapie nouvelle.

Sigmund Freud, par exemple, n’a pas échappé à cette règle. Il n’a pu s’appuyer sur un psychanalyste, tout juste a-t-il eu le soutien et l’écoute de son ami Fliess (qui joua tant bien que mal ce rôle d’écoutant empathique), jusqu’à la découverte que leur amitié avait des relents d’homosexualité, ce qui fit fuir Freud.

À partir de sa phobie et en relation directe avec la spécificité de cette pathologie, Freud inventa une pratique (celle du divan : on n’est pas vu, pas touché. On reste, sinon inaccessible, du moins protégé face aux désirs de l’autre…) et mis sur orbite une démarche remarquable qui nous a fait faire un bon en avant considérable dans la compréhension de notre propre psyché et de quelques unes de nos dynamiques névrotiques inconscientes ou autres, relatives à notre vie intérieure la plus intime.

Freud s’est trouvé porteur de secrets et d’un trauma familial à l’origine de diverses contradictions dans la théorie psychanalytique. Marie Balmary dans “l’Homme aux statues ou Freud et la faute cachée du père”, nous montre comment il s’est débattu pour faire silence et ne pas remettre en cause l’image de ce père.

Il serait intéressant de poursuivre avec quelques autres thérapeutes :

  • F. Perls, qui inventa la Gestalt, où l’on se montre, on s’exhibe pour mieux mettre le doigt sur nos propres refoulements…
  • C. Rogers, issu d’un milieu puritain et moralisant qui proposa l’acceptation inconditionnelle d’autrui et la centration sur l’autre etc.
  • A. Lowen, avec un besoin d’affirmation et de reconnaissance à vif et la bio énergie…

Je laisse à chacun découvrir la suite…


Quelques clés à respecter pour suivre un chemin de transformation et d’évolution personnelle  

Par Jacques Salomé

Ce qui déclenche, invite ou pousse à un changement personnel, ce qui provoque un mouvement intérieur vers une recherche de mieux-être, un éveil ou plus simplement une meilleure affirmation de soi ou encore, ce qui nous à des relations plus vivantes et créatrices avec autrui, est souvent lié au surgissement d’un événement traumatique : maladie ou accident grave, perte d’un être cher, séparation ou rupture. Mais ce peut être aussi l’impact d’une rencontre, d’une lecture, l’élan d’un coup de cœur ou d’un mouvement indignation, la stimulation d’un échange impromptu qui va nous rejoindre dans une partie de nous mêmes qui aspire à se réaliser, à se développer ou à se réconcilier avec quelque chose d’essentiel et de vital.

Dans ma pratique de formateur, voici quelques balises qui m’ont aidé à mieux comprendre comment pouvait se vivre une formation aux relations humaines et aboutir à une démarche de changement personnel :

  • La prise de conscience n’est pas suffisante. « J’ai pris conscience, disait ma grand mère, que le pneu arrière de mon vélo était crevé, c’est curieux, cela ne l’a pas regonflé ! » Au delà de la prise de conscience il conviendra de se donner des moyens, de s’appuyer sur une démarche suivie dans la durée, avec son rythme, son tempo et ses cycles.
  • Toute démarche de transformation suppose, ce que j’appelle “le nettoyage de la tuyauterie relationnelle avec les personnes significatives de notre histoire. Cela peut commencer avec une remise en cause et une clarification, une cure d’assainissement des relations avec nos parents, mais aussi avec quelques personnages clés de notre enfance : professeurs, parentèle, fratrie…
  • Au delà de ce travail d’archéologie familiale, il conviendra de mieux repérer quelques uns des dysfonctionnements relationnels (répétitions négatives, comportements atypiques, réactionnels c’est-à-dire susceptibilités, zones d’hypersensibilité – elles nous parlent de nos blessures anciennes et les traces de nos traumatismes perdus…) qui nous habitent et polluent nos relations à autrui.
  • Après les tâtonnements du début, il convient à un moment donné de choisir une démarche, ou une voix/voie, un outil de travail sur soi, sur lequel s’appuiera la démarche et qui lui permettra d’acquérir une cohérence et un suivi dans une certaine rigueur. Cela suppose le plus souvent un accompagnant (qu’il soit thérapeute, formateur, guide spirituel ou maître dans l’art qui est le sien) auquel celui qui s’engage dans un processus d’évolution donnera accordera sa confiance.
  • Au cours de ce travail sur soi, il conviendra de développer une confiance suffisante en soi pour faire face aux résistances de l’entourage, des proches, pour affronter les critiques, jugements de valeurs, disqualifications diverses et variées (de soi ou de la démarche) ou rejets de sa propre personne.
  • Apprendre à résister aux multiples tentations de se disperser qui peuvent nous inciter à aller voir si “le gazon du voisin est plus tendre et plus vert que le nôtre !
  • Après une phase de dépendance, qui peut se traduire par un enthousiasme, une passion ou un prosélytisme excessif et souvent irritant pour ceux que l’on croise : « Tu devrais faire cette démarche c’est formidable, tu verras tu vas découvrir des choses extraordinaires ! »… une re-centration sur soi sera nécessaire.
  • Après avoir découvert et intégré quelques repères de base, il conviendra de pratiquer au quotidien. Ce sera mettre en application ses découvertes, apprendre à se positionner autour de quelques ancrages et références clés, les laisser prendre leur place et leur forme en nous, autrement dit attendre en les laissant mûrir et croître (attendre ici dans le sens de “attendre un enfant” et non pas “d’attendre un train sur un quai de gare”).

Dans ce domaine, les valeurs qui sont les miennes aujourd’hui ont pour nom :

  • respect de soi (ne pas me laisser définir par l’autre)
  • affirmation (me positionner)
  • responsabilisation (c’est à moi de prendre en charge ce qui m’arrive)
  • tolérance (acceptation des différences et de l’unicité)
  • relativité (mes croyances peuvent être remises en question) et
  • compassion (en m’appuyant sur l’amour et la confiance que je peux avoir en moi, pouvoir offrir de l’amour à ceux qui m’entourent et qui peuvent l’accepter)

Restitutions symboliques et autres gestes structurants  

Par Jacques Salomé

Au cours de l’année 2003, nous avons pris que Aube Elleouêt, fille et exécutrice testamentaire d’André Breton, a restitué aux indiens Kwakwaka’wakws, un masque rituel de cérémonie, que ce dernier avait acheté dans les années cinquante. On peut imaginer le chemin parcouru par cette pièce, depuis sa création : passer des mains de pilleurs à celles d’acheteurs, puis transiter par des revendeurs, avant de finir son parcours à Paris jusque dans l’appartement du poète qui la conserva jusqu’à sa mort. Parcourir ensuite le chemin à l’envers, des dizaines d’années plus tard et remonter jusqu’à ses sources comme fraye le saumon.

Je ne connais pas le nom en langue Kwakwaka’wakws qui pourrait traduire “celle-qui-a-rendu”, ou encore “celle-qui-nous-a-respecté” mais je peux entendre que ce sont de belles résonances pour un nom, et que Aude Elleouët pourrait le porter avec honneur.

La démarche de cette femme me plait. Elle est un pas important, cohérent et juste vers le droit des peuples à disposer de leur mémoire et des signes caractéristiques de leurs cultures ancestrales.

Pour connaître et pouvoir s’appuyer et transmettre ses racines, il convient de respecter son passé.

Au cours de l’histoire, les Européens, comme les Américains, se sont octroyés le droit de dépouiller une foultitude de peuples et d’ethnies, des marques de leur identité, de les couper de leurs pratiques rituelles et des pratiques initiatrices de leur vie sociale ou intime.

Une restitution concertée s’organise aujourd’hui entre les musées de différents pays, pour que reviennent aux sources, sur les lieux mêmes de leur conception, de leur fabrication ou de leur usage coutumier, des objets et des œuvres d’art qui sont autant d’outils significatifs et essentiels pour baliser une histoire.

Je suis d’autant plus sensible à ce geste, que je possède quelques petits objets venus d’Afrique, des Indes, du Tibet, du Japon et même de la Haute Savoie. Je pressens qu’ils avaient une valeur symbolique et une destination cultuelle ou rituelle. J’ai une affection singulière pour eux et certains ont pris sens dans ma propre vie. Autrefois, je m’étais donné l’excuse, en les achetant, de les protéger, de prolonger peut-être un peu de leur vie, pour les transmettre entiers à l’avenir.

Je me sens démuni pour l’instant vis-à-vis de ces statuettes, coupelles et autres colliers, mais comme je mets de l’ordre dans mes affaires, je retrouve aussi des objets qui ont du sens dans ma propre histoire. Ainsi cette plaque en métal marquée d’un matricule qui me vient de mon géniteur et qui remonte au temps où il était prisonnier en Allemagne. Je l’ai donnée à l’un de mes fils. Elle me semble représenter le symbole d’une liberté à conquérir à chaque instant, surtout quand nous sommes en situation de la perdre ou qu’elle est menacée.

Il y a aussi quelques objets que j’ai reçus en restitution à des gestes que j’ai eus, à des maladresses que j’ai commises et déposées chez des personnes que j’ai pu blesser ou humilier autrefois, par des paroles que j’ai dites, des comportements ou des gestes qu’a eus l’homme que j’étais à ce moment là.

Je me sens plein d’humilité vis-à-vis de ces démarches. Certaines sont très libératrices et clarifient une situation, elles apaisent des ressentiments, libèrent des énergies nouvelles. D’autres au contraire sont disqualifiées et reléguées au rang de fumisteries, de manœuvres, voire de manipulations par ceux, d’une part à qui la démarche est proposée et aussi par celui qui, ayant posé un acte répréhensible se comporte comme s’il était exemptés d’avoir à se responsabiliser par rapport à ses actes.

Notre vie est ainsi parsemée de contentieux qui ne s’apaisent jamais, si en face nous ne rencontrons pas un désir réel de se réconcilier avec soi même, ni la volonté de s’amender et de se déprendre du ressentiment et de la jouissance trouvée à faire mal à son tour à celui qui nous a fait souffrir et par qui nous avons mal. Le besoin de punir est différent du choix de sanctionner. La sanction est une étape nécessaire pour confronter quelqu’un avec l’impact qu’a pu avoir son comportement sur autrui, un préalable pour lui permettre de changer. Sans la reddition de la haine et de la destructivité des cycles de violences et d’auto-violences souterraines risquent bien de s’inscrire dans des histoires de vie et se poursuivre éventuellement sur plusieurs générations.


Se rencontrer sans se posséder, se rapprocher sans s’envahir  

Par Jacques Salomé

Nous ne parlons pas seulement avec des mots, nous nous rencontrons avec des regards, des gestes ou des touchers. Ce qui va donner à la relation tout son sens, c’est à la fois l’intentionnalité (la main qui donne une caresse ou une gifle est la même, simplement différence d’intention et d’intensité !) et le mouvement intérieur qui nous porte vers l’autre.

Il est des gestes, des touchers qui nous agressent ou nous font violences, même si l’autre ou l’entourage proche qui les déposent sur nous, n’en sont pas toujours conscients. Car c’est celui qui reçoit le message qui lui donne un sens. Un même geste peut retentir, résonner sur notre histoire dans un sens positif ou dans un sens négatif et catastrophique. Il nous appartient donc de nous respecter et pour cela d’apprendre à nous positionner le plus rapidement et le plus clairement possible face à celui ou celle que nous pouvons vivre comme agressant au travers de ses conduites ou de ses actes envers nous.

La vie sociale comme la vie intime est constamment traversée de gestes qui font intrusion dans notre intimité. Gestes dont certains peuvent être sans retentissement grave et relativisés par un échange et d’autres qui au contraire nous bousculent ou nous déstabilisent, et qui peuvent nous blesser ou réveiller d’anciennes blessures, qui vont saigner en nous et nous faire une violence inouïe.

Il ne suffit pas, pour faire face à des gestes toxiques ou nocifs, de nous éloigner, de nous placer hors de portée ou de mettre l’autre en accusation, encore faut -il apprendre à mettre en place un ensemble d’attitudes et de comportements qui vont nous permettre de nous réconcilier avec l’image de nous mêmes qui a été atteinte, de retrouver confiance en nos ressources, de se réapproprier l’amour et l’estime de soi qui peuvent avoir été maltraités par des comportements qui n’étaient pas bons pour notre corps, notre vulnérabilité ou notre sensibilité.

Au delà de paroles, de comportements ou d’attitudes qui peuvent nous agresser, c’est surtout par un toucher violent ou inadapté, qu’il soit intentionnel ou le résultat d’une maladresse, que nous sommes parfois le plus atteints, le plus violemment interpellés, car il faut savoir qu’un geste vécu par celui qui le reçoit comme agressif ou déstabilisant peut réveiller l’une ou l’autre des blessures archaïques qui sont inscrites dans la mémoire insondable et toujours en éveil du corps. Il s’agit le plus souvent de blessures liées à la trahison, l’injustice, l’humiliation ou l’impuissance.

Si notre corps est un formidable émetteurs de signaux positifs (ou négatifs) il est aussi une immenses surface de projection sur laquelle vont se diriger et se jeter des signaux qui seront vécus comme positifs et d’autres qui seront enregistrés, par celui qui les reçoit à ce moment là, comme puissamment négatifs.

Quelque soit le degré d’intimité, l’intensité des sentiments partagés avec quelqu’un nous avons besoin de trouver la bonne distance face à lui. Une distance qui corresponde à notre besoin de sécurité mais aussi à notre liberté d’être. Une distance juste, bienveillante, ni intrusive, ni oppressive, quand la présence de l’autre, ses attentions, ses gestes vont nous confirmer l’attentivité, le respect et l’écoute qu’il peut avoir à notre égard. Mais il peut se trouver que cette distance soit transgressée et que nous nous sentons insécurisé ou violenté.

« Chaque fois que mon mari me prenait dans ses bras, j’avais la sensation d’être étouffée, qu’une partie de moi ne m’appartenait plus, n’existait plus. Il ne donnait pas (malgré ce qu’il en disait), il prenait. Je recevais ces gestes comme une imposition, une dépossession à partir de laquelle je n’avais plus rien à offrir… »

« Quand ma mère me serrait contre elle, en disant “mon amour, mon amour”, je sentais que je devenais sa chose, que je devais lui appartenir et cela m’angoissait beaucoup. Si je m’éloignais je sentais que je luis faisais de la peine et surtout que je risquais de perdre son amour à jamais… Aujourd’hui encore un contact physique trop proche me panique… »

« Lors de mon dernier passage à l’hôpital, je recevais une piqûre tous les jours, à la même heure, mais par le fait des congés et des horaires, trois infirmières différentes se sont succédées durant tout mon séjour. Avec une, je ne sentais absolument rien, elle établissait un contact avec moi, par un mot, un sourire et d’un geste vif semblable à une caresse légère enfonçait l’aiguille sans me faire aucun mal. Avec une autre, c’était l’inverse, son contact était plus brutal, impersonnel, elle me découvrait en arrachant le drap d’un geste violent et je sentais la douleur de l’aiguille et du liquide qui pénétrait mon ventre… Avec la troisième c’était plus aléatoire. Une fois je ne sentais rien et le lendemain c’était douloureux. Je n’ai pas réussi durant tout mon séjour à trouver une parole, un geste pour modifier le comportement des deux infirmières qui m’ont fait mal ! »

« J’aurais tant voulu dire à mon père que la gifle qu’il me donnait “pour mon bien” chaque fois que je lui présentais mon carnet scolaire, ne me faisait pas de bien, m’humiliait et m’infantilisait… »

« Je n’aimais pas quand le professeur de piano, s’appuyait trop contre moi et posait sa main sur ma cuisse pendant que je faisais mes exercices. A cause de lui, j’ai détesté le piano durant des années. Il a fallu longtemps pour que je me réconcilie avec la musique… »

Il ne s’agit que de quelques exemples parmi les situations innombrables vécues par des enfants ou des adultes, qui se sont vus imposer un toucher qui n’était pas bon pour nous.

J’enseigne depuis des années qu’il est toujours possible de “restituer” sur un mode symbolique (à l’aide d’un objet, d’un dessin, d’une photo) avec un mot d’accompagnement, une violence reçue. Violence d’un geste qu’il n’est pas souhaitable de garder en soi, car elle entretient et peut même nourrir le foyer d’une blessure psychique, morale ou physique.

Je prétends que ces “restitutions symboliques” sont très libératoires d’énergie, qu’elles favorisent une restauration de la vivance de notre vie et redynamisent l’amour, la confiance et l’estime de soi.

Une restitution symbolique s’appuie sur le ressenti de celui qui s’est senti agressé ou violenté par un geste, un passage à l’acte sur son corps, quelque soit l’intentionnalité de celui qui à déposé ce geste. C’est celui qui reçoit le message qui lui donne un sens.

Certains comportements (abus sexuels, maltraitances physiques à répétitions) inscrivent des blessures quasi inguérissables si elles ne font pas l’objet d’une mise en mots ou d’une médiation réparatrice par un symbole.

Ces démarches de restauration, de réconciliation avec soi même me paraissent d’autant plus nécessaires, que certaines violences primaires, engendrent des comportements défensifs et réactionnels qui sont autant d’auto violences que l’on se fait à soi même. Auto violence par auto privation (repli sur soi, enfermement dans la solitude) pour se protéger, par une mise en maux récurrentes (équivalent à un langage pour tenter de dire l’indicible) tels des maux de ventre, des infections vaginales, des blocages sexuels, auto violence encore dans le surgissement de somatisations plus graves (cancer, kystes ou autres affections profondes…).

Quand notre corps absorbe par mégarde ou par erreur un met, un produit toxique, il se défend aussitôt en le régurgitant, en le “rendant” en vomissant, en évacuant ce qui n’a pas été bon pour lui. Mais quand il s’agit de gestes toxiques, malsains, nous acceptons malheureusement, de les garder longtemps en nous, enfermés dans le silence, la culpabilité ou le ressentiment.

J’invite chacun à se respecter au plus prés de ses ressentis, à s’affirmer, à se positionner en ne gardant pas en lui des gestes, des attouchements, des paroles mêmes qui ont été enregistrés comme violents ou agressants par son corps ou son esprit. Ainsi trouver la bonne distance est activité sans cesse remise en question non seulement suivant la nature des gestes reçus mais aussi en fonction de leur retentissement sur notre histoire.

Restaurer la paix dans son corps est une démarche qui peut comporter plusieurs supports.

Il y a bien sûr toutes les démarches centrées sur la psychothérapie, les groupes d’éveil, mais aussi les stages de formation portant sur le changement. Toutes ces démarches nous invitent à un travail d’archéologie intime pour nous permettre de nous réconcilier avec notre passé et surtout à achever les situations inachevées ou panser les blessures de notre enfance.

Pour respecter son corps l’évidence de la nécessité d’un travail sur soi, passera nécessairement par des approches corporelles dont l’éventail est aujourd’hui largement connu, allant du yoga, à la méditation, au tai chi…


Comment passer de l’incommunication à la communication dans la vie courante  

Par Jacques Salomé

Quelques points de repères pour pouvoir mieux se dire et mieux se faire entendre au quotidien avec l’approche E.S.P.E.R.E.

Dans le couple.

Vivre ensemble sur un même territoire, partager un espace d’intimité affective, psychologique et physique risque paradoxalement de réveiller l’ex-enfant qui est en chacun des membres de ce couple (ou en amont l’un ou l’autre des parents de l’homme ou de la femme). En termes de relation, un couple est un champ de conflits, de frictions et de confrontations quasi permanents où vont s’affronter

  • des forces de cohésion (rapprochement et mise en commun = ce qui réunit et fait se rencontrer ou se rejoindre et tout ce qui est de l’ordre du même ou du semblable, du familier).
  • des forces d’éclatement (individuation, différenciation = ce qui sépare et ses variantes autour de la confrontation à l’autre, à l’étrange(r) et à l’inconnu).

Vivre en couple dans la durée c’est tenter de partager avec cohérence et dans l’improvisation confuse parfois, une double dimension de l’intimité : d’une part une zone d’intimité commune, partagée et partageable, et d’autre part des espaces et des temps d’intimité plus personnelle et réservée. Ainsi la communication de couple se jouera-t-elle sur plusieurs registres qui ne se combinent pas toujours.

« Est ce que mes apports correspondent à tes attentes ? Est ce que mes attentes s’ajustent ou pas sur tes apports ? Qu’est ce qui fait que souvent tu touches en moi une zone si sensible, un point aveugle qui réveille mes blessures m’irrite et me fait réagir violemment alors que je me voudrais chaleureux et bienveillant ? »

La mise en pratique concrète de la Méthode E.S.P.È.R.E.® permet de devenir vigilant à ces enjeux et de respecter quelques règles d’hygiène relationnelle aussi bien avec l’autre qu’avec soi-même. À la longue, ces attentions portées en direction de la relation aident à renforcer, soutenir, les forces de cohésion du couple et nourrissent les engagements pris dans la durée tout en tenant compte de l’évolution de chacun.

Quelques balises favorisantes.

  • Éviter de parler sur l’autre. Au lieu de dire : « Tu devrais laisser pousser tes cheveux ! » se positionner en parlant de soi à l’autre, en lui énonçant son propre point de vue : « C’est vrai que je te préfère avec des cheveux longs. »
  • Oser parler de soi et inviter l’autre à parler de lui. Au lieu de dire : « Tu m’as fait passer pour un idiot l’autre soir chez nos amis ! » Pouvoir lui dire : « J’ai mal vécu ce que tu as dit l’autre soir sur moi » et l’inviter à parler de son vécu : « Pourrais-tu me dire ce que tu ressentais quand tu as évoqué ce sujet ?… »
  • Tenter de diminuer (au lieu de l’entretenir et même de l’exacerber) l’incroyable distance qui existe parfois entre le style de discours masculin (plutôt cérébral, généralisant ou totalisant) et le mode d’expression féminin (plutôt émotif, sensoriel et plus centré sur le vécu et le ressenti immédiat). « Quand je te demande ce que tu ressens et que tu me réponds – “Je pense que…” – je ne me sens pas entendue dans ma demande et la sensibilité qui l’entoure. Ce qui m’intéresse, me touche et me rapproche de toi, c’est d’avoir accès à ce que tu éprouves là, au niveau du ventre, de la poitrine et non de la tête ou des idées… »
  • Tenter d’accéder au ressenti et au retentissement, à ce qui est réveillé et qui résonne chez l’autre, par une invitation directe à se dire sur un plan personnel, dans une dimension intime : « J’ai bien senti que ce que j’ai dit (ou fait) a retentit en toi fortement, je ne sais si tu souhaiterais m’en parler, car cela me permettrait de m’approcher plus de toi… »
  • Oser témoigner de sa propre histoire, des expériences de vie structurantes de notre histoire, évoquer et parler de l’enfant, de l’adolescent(e) que nous avons été. « Á six ans j’avais tellement peur des fantômes que j’avais inventé tout un système de protection autour de mon lit, qui était censé me protéger pour toute la nuit. Au petit matin je me levais tôt pour défaire les barricades et les défenses que j’avais élevées la veille. Il en reste encore des traces en moi, n’as tu pas remarqué tout le rituel dont je m’entoure au moment du coucher, ce qui semble t’irriter d’ailleurs, alors qu’il est très important pour moi !».
  • Accepter que le ressenti, les croyances de l’autre, son imaginaire, lui appartiennent, que nous n’avons ni la responsabilité d’avoir le même, ni celle d’essayer de le modifier, mais seulement la possibilité d’en faire un terrain d’échanges et de confrontation. « Je sais combien tu es parfois gêné de sentir que je n’aime pas beaucoup ta mère, car il y a beaucoup de choses qui m’irritent chez elle. Et je suis souvent mal à l’aise de la complicité que tu sembles avoir avec mon père, alors que j’ai du mal à m’entendre avec lui… Mais c’est vrai que nous ne sommes pas toi et moi, dans la même relation vis-à-vis de chacun d’eux ! »
  • Etre sensible au fait que nous n’avons pas les mêmes rythmes, les mêmes attentes et les mêmes zones de tolérance. Cela ne veut pas dire qu’il faut se complaire dans le compromis (car celui-ci n’est jamais très loin de la compromission). Pouvoir mettre des mots non seulement sur les différences mais aussi sur ce qui nous rapproche, - certains diraient apprendre à positiver -, peut aider grandement à dépasser les innombrables frustrations qui vont surgir au quotidien. « Quand tu veux me faire l’amour tout de suite, je suis touchée de ton impatience, mais parfois irritée que tu ne prennes pas plus de temps pour me rencontrer, pour me découvrir avant, pour échanger, se caresser partout et pas seulement là où tu crois que ce devrait être bon pour moi ! J’ai tenté souvent de te dire combien mon clitoris était sensible après l’amour et qu’il fallait se garder d’y toucher, et souvent aussi, je t’ai demandé, après l’amour de me serrer très fort et de me laisser un long moment dans l’immobilité et le plein de mon propre abandon vers toi… »
  • Oser réactualiser ses engagements. Nous évoluons et nous changeons (le plus souvent grâce à l’autre) mais pas toujours dans le sens où celui-ci le souhaiterait. « Je ne suis pas le même homme aujourd’hui, que celui que tu as épousé il y a 10 ans. J’ai grandi, en quelque sorte, et j’ai peut-être moins besoin de m’appuyer sur toi, ce qui semble t’inquiéter et te faire craindre que je puisse m’éloigner de toi. Ce n’est pas ce que je ressens, au contraire… »

Avec les enfants

L’arrivée d’un enfant est l’équivalent d’un tremblement de terre dont les secousses sont parfois subtiles et indirectes. C’est un événement qui va obliger à une réorganisation de la relation de couple. Passer de deux à trois va demander à chacun une démarche de décentration et de clarification de sa position et un rééquilibrage des rôles (homme/femme, mari/épouse, papa/maman, père/mère, professionnel/professionnelle).

L’habileté des enfants est, nous le savons, de réactiver à tout moment l’ex-enfant qui est en nous et donc de nous déstabiliser, de nous décentrer de notre position d’adulte, d’entretenir le réactionnel en nous (tendance à agir et réagir) au détriment du relationnel (possibilité de rester consistant dans le lien et l’échange sans surenchérir en accentuant les rapports de force ni s’effondrer ou se culpabiliser). Par ailleurs leur créativité étonnante pour réveiller nos peurs et nos angoisses, va faire que nous allons intervenir ou faire surtout (même si nous nous en défendons) par rapport à ces peurs et non pour leurs besoins et attentes réelles, à eux. Un peu plus tard ils pourraient d’ailleurs apprendre à se dégager de cette emprise en osant nous dire : « Maman si tu as peur quand je sors le soir, il va falloir faire quelque chose pour tes peurs, car le fait de les déposer sur moi ne m’aide pas et même, me met en difficulté… »

« Papa, il se peut qu’avec mes mauvais résultats scolaires je réactive le souvenir de tes propres difficultés scolaires et les humiliations que tu as subies, mais je ne peux rien pour tenter de réparer toutes cela propres blessures à ta place. Je ne suis que ton fils et je ne peux pas tout pour toi. Il va falloir que tu te confrontes à tes propres démons, sans compter sur moi. Notre relation en sera d’ailleurs sûrement allégée et moins tumultueuse ».

  • Avec les enfants (avec les adultes aussi) se rappeler que derrière toute question il y a une autre interrogation que celle qui est mise en avant, une demande implicite ou une attente non formulée directement. Plutôt que de leur poser des questions, il serait préférable de les inviter à se dire par une invitation ouverte : « Je ne sais si tu as envie de me parler de ce qui s’est passé pour toi en classe aujourd’hui ». « Je te vois sursauter chaque fois que le téléphone sonne et te précipiter. Si tu pouvais m’en dire un peu plus, cela m’éviterait de faire des gaffes ou de raccrocher quand l’autre au bout du fils est déçue que ce soit moi ! »
  • Ne pas confondre sentiment et relation. « Je t’aime et mon amour pour toi n’est pas remis en cause par ce que tu as fait ou dit et qui peut me gêner, m’irriter ou me blesser même. Mais c’est important pour moi de te dire que je suis vraiment en colère quand je vois comment tu t’es comporté ». Une des façons de différencier le registre des sentiments et celui de la relation est de pouvoir renoncer à recourir systématiquement à l’expression “J’aimerais que…”. Eviter ce genre de formulation n’induit pas l’enfant à amalgamer la référence à l’affectif et les enjeux de la relation et ne l’entraîne pas à penser qu’il sera plus aimé s’il s’exécute ou moins aimé s’il n’obéit pas. « J’aimerais que tu prennes ta douche. J’aimerais que tu arrête d’embêter ta sœur. J’aimerais que tu éteignes cette foutue télévision devant laquelle tu es scotché depuis trois heures ! »
  • Apprendre à leur faire des demandes claires, précises et fermes (et les renouveler autant de fois qu’il est nécessaire) sans culpabilisations, accusations, comparaisons ou reproches. « Je te demande de prendre ta douche, de faire tes devoirs et j’insisterai autant de fois qu’il le faudra, jusqu’à l’exiger. Mais quand je suis dans l’exigence, cette manière de dire et de faire, cela nous infantilise tous les deux. Ce n’est pas ce type de relation que j’ai envie d’avoir avec toi, jusqu’à 18 ans ! »
  • Apprendre à poser des interdits clairs, précis et les renouveler autant de fois qu’il est nécessaire, sans entrer dans la plainte, le chantage, la menace ou la culpabilisation, en ne cherchant pas à tout expliquer ni à justifier le moindre de ses refus. « Je vis très mal quand tu m’empruntes des sous vêtements ou ma lingerie, pour aller au collège. Je suis d’accord pour t’en prêter ou faire des essais le dimanche ou quand nous sommes en vacances, mais pas pour que tu les portes à l’extérieur de la maison» (Inutile d’entrer dans les détails et d’en dire plus sur les motifs du désaccord).
  • Ne pas confondre sanction et punition. La sanction est la réponse adaptée à une transgression. Elle est adaptée dans le sens où elle tombe au nom d’un interdit, d’une loi, en référence à un règlement intérieur ou un code posé en dehors et au-delà de celui qui prononce la sanction. « En roulant à 100 km/h en agglomération, je prends le risque d’être arrêté, de payer une amende et de me faire enlever des points à mon permis de conduire ». La sanction peut être une réponse énoncée dans un but de réparation des dommages causés. « L’objet que tu as au supermarché du coin, nous allons le ramener et le payer avec ton argent de poche… » « Pour les dégâts que tu as causés sur les murs de la classe je te demanderai de venir mercredi après-midi pour faire les nettoyages nécessaires ». La punition c’est la tentation d’ajouter une contrainte supplémentaire à la sanction. C’est une intervention plus arbitraire, énoncée sans une référence tierce, et qui procure une certaine jouissance à celui qui prononce le châtiment : « Puisque tu as volé, tu seras privé d’argent de poche ! » Ce qui n’aidera pas du tout l’enfant à… ne pas voler !
  • Accepter de négocier avec soi même pour entendre où se situent nos propres priorités, plutôt que de tomber dans un harcèlement à répétition autour de demandes ou de refus. « Ce qui me semble urgent actuellement c’est de te demander de faire ta toilette, de t’habiller et de prendre ton petit déjeuner. Je préfère renoncer à te faire réviser tes leçons et à te demander de cirer tes chaussures… »
  • Ne pas confondre leurs besoins (qui doivent être satisfaits ou comblés à court ou moyen terme) et leurs désirs qui eux, peuvent être entendus, valorisés, sans les disqualifier ou tenter de les dévalorisés en faisant appel à des arguments en rapport avec la réalité. Leur apprendre à mieux différencier le désir (qui est dans l’imaginaire de celui qui l’a), et sa réalisation (qui l’inscrit dans la réalité). « J’ai bien entendu ton désir d’avoir une moto, je ne vais pas répondre à ce désir, mais tu peux me dire ce que toi tu penses faire dès maintenant pour la réalisation de ce désir, qui pourra se concrétiser dans dix-huit mois quand tu seras en âge de passer le permis moto ! ».
  • Pouvoir les accompagner dans leur vécu quand ils affrontent des situations imprévisibles ou atypiques (violences, rencontres malsaines) ou qu’ils se laissent entraîner à des comportements déviants (prise de drogue, racket, agressions). « Je souhaite que tu puisses me dire, ce qui s’est passé, ce qui t’as entraîné à faire cela, ce que tu as éprouvé ou ce qui a traversé ton esprit… Ce n’est pas ce que tu as fait qui me mobilise mais comment tu l’as vécu ! »
  • Ne pas confondre la personne et le comportement. « Ce sont tes résultats scolaires négatifs qui m’angoissent et déclenchent une réaction de colère en moi. Je ne te confonds pas avec tes résultats, je ne te vois pas comme quelqu’un de négatif que j’ai envie de rejeter ».
  • Renoncer à chercher le pourquoi, l’explication d’un acte, d’un comportement ce qui entraîne le plus souvent des justifications (ou des mensonges) pour mieux entendre que les comportements sont des langages avec lesquels un enfant tente de dire l’indicible. « Je ne sais pas ce qui s’agite en toi, ni ce que tu tentes de dire, et à qui tu veux le dire, quand je te vois te ronger les ongles, mais ce doit être sacrement important, quand je vois mesure toute l’énergie et la ténacité avec lequel tu le fais ! »
  • Tenter d’entendre le langage des maux avec lesquels les enfants expriment l’indicible. « J’ai remarqué que chaque fois que je m’absentais plusieurs jours, ton corps se mettait en difficulté et en souffrance en tombant, en se cassant un doigt, en se coupant. S’il pouvait mettre des mots peut être serait il possible d’éviter de le crier avec des maux ! » Il ne s’agit pas de faire avec nos enfants des interprétations (pseudo) psychologiques, mais de les sensibiliser au fait qu’ils disposent pour tenter de se dire, d’une plus grande variété de langages qu’ils ne l’imaginent.

Dans le monde du travail

  Se rappeler que travailler huit heures par jour, c’est vendre autant de temps de sa vie chaque jour. La question centrale n’est pas tant de savoir combien je vends cette vie, mais comment ? Sur ce plan du comment, des conditions et de la manière dont nous vendons du temps de notre vie nous nous y prenons souvent bien mal. Il y a beaucoup de “violences larvées” directes ou indirectes dans le monde du travail. Ce qui use, fatigue et épuise, ce sont les répétitions, les malentendus et les maladresses qui s’enchaînent à partir des mêmes scénarios, souvent interchangeables quelles que soient les situations. Le respect de quelques règles d’hygiène relationnelle, la mise en pratique de quelques outils (écharpe relationnelle, visualisation, symbolisation) favorisent des échanges plus fluides ou moins toxiques et surtout moins énergétivores.

  • Privilégier la communication directe et ne pas entretenir la communication indirecte. « Si vous me parlez de ce qu’a fait ou dit votre collègue, je me sens démunis et ne souhaite pas entrer en matière sur ce sujet qui ne concerne pas notre relation. Si vous me parlez de vous, de votre ressenti par rapport à ce qui s’est passé, il me semble que je peux vous écouter et peut-être voir avec vous ce que vous pourriez faire pour sortir de votre malaise ou faire évoluer la situation… »
  • Apprendre à ne pas mélanger les niveaux relationnels et à se positionner face à chacun de ces niveaux. La communication en entreprise est rendue délicate sinon difficile, par le fait que 4 niveaux sont sans cesse en interdépendance et n’arrivent pas toujours à se combiner harmonieusement.
  • le niveau fonctionnel (faire bien ensemble) « J’ai le désir de pouvoir m’appuyer sur vos compétences et votre expérience et en même temps celui de sentir que pouvez vous appuyer sur mes ressources… »
  • le niveau hiérarchique (pouvoir être bien à l’intérieur d’un rapport de force qui ne nous est pas toujours favorable) « Je suis plus à l’aise dans une relation de collaboration dans laquelle je peux avoir des initiatives que dans une relation d’exécution dans laquelle je n’utiliser qu’une toute petite partie de mes ressources… »
  • le niveau inter relationnel (être bien avec l’autre) « Me sentir bien avec vous signifie que je ne me sens pas jugé, dévalorisé ou comparé, mais reconnu et accepté au plus prés de ce que je sens… »
  • le niveau intra relationnel (être bien avec soi même) « Je ne remets pas en cause votre compétence, mais je ne me sens pas à l’aise avec vous. Certaines remarques que vous avez faites il y a quelque temps, réveillent mes doutes et me paralysent. Si je commence à vous identifier à mon père, ce n’est plus un collaborateur que vous avez en face de vous mais un petit garçon paniqué qui voudrait tellement bien faire qu’il va se planter à tous les coups ». « J’apprécie beaucoup votre personne mais je vis mal quand vous faite intrusion dans mes dossiers et que vous prenez des décisions sans m’en informer ».
  • Ne pas confondre le oui d’accord et le oui d’engagement. « Quand nous avons évoqué ce projet il y deux mois, je vous ai bien dit que j’étais d’accord sur le principe pour étudier le dossier et envisager une réalisation éventuelle, mais je ne vous ai pas confirmé cet accord, je ne me suis pas engagé à le réaliser ».
  • Toute proposition, toute suggestion mérite d’être entendue et recueillie, ce qui ne veut pas dire qu’elle sera acceptée. « C’est important pour moi de sentir que ce que j’ai dit n’est pas tombé dans le vide, même si pour l’instant il ne vous est pas possible de l’accepter ».
  • Faire une demande ouverte (qui ne soit pas une exigence déguisée) c’est prendre le risque que la réponse de l’autre ne me soit pas favorable. En ne m’identifiant pas à la demande, je ne m’identifie pas non plus à la réponse. « Souvent quand je faisais une demande et qu’elle était rejetée, j’avais le sentiment que c’était moi qui étais rejeté ! »
  • Faire circuler une information n’est pas communiquer. « Je croyais parce que j’avais dit ou remis une note, que l’autre avait entendu et était d’accord, suivant le principe – "qui ne dit mot consent !" – » Aujourd’hui je vérifie d’abord : « Qu’avez-vous entendu dans ce que j’ai dit, quelle est votre position par rapport à ce point ou cette question ? »
  • Au delà des faits, des paroles énoncées, ce qui est important au fond, c’est surtout comment ces faits ont été vécus, comment ces paroles ont été entendues. « J’ai besoin de vous dire comment j’ai entendu ce que vous avez dit et surtout ce que vos propos ont touché en moi ».
  • Autant que faire se peut, tenter de respecter les besoins relationnels de chacun des membres d’une même équipe : besoin de se dire, d’être entendu, valorisé, reconnu, d’avoir une intimité et de pouvoir exercer une influence même minime sur l’environnement immédiat.

Avec soi même.

  En découvrant que c’est avec nous-mêmes que nous passons l’essentiel de notre vie, nous pouvons prendre un peu de temps pour nous accorder de l’attention, de la bienveillance et du respect.

  Accepter d’être un bon compagnon pour soi, c’est apprendre à se positionner en son nom, avec ses propres mots, ses valeurs ou ses croyances (ne pas se laisser définir par les autres) c’est pouvoir s’affirmer (se confronter plutôt que de s’affronter, pour marquer les différences et les points de convergences), c’est prendre soin de ses propres besoins relationnels, au lieu d’attendre ou d’espérer que l’autre les prenne en charge (c’est le début de l’autonomie relationnelle et affective).

  • Renoncer à l’accusation de l’autre et à l’auto dévalorisation. « Il y a encore quelques mois, j’oscillais entre deux raisonnements : d’une part je pensais que c’étaient aux autres de changer, d’arrêter de m’en vouloir et d’autre part je me disqualifiais en permanence, pensant que je n’étais pas à la hauteur, que je n’y arriverais pas… »
  • Accepter de découvrir que nous sommes toujours trois dans une relation : l’autre, la relation et moi même. « Quand j’ai compris cela, j’ai pris conscience que j’étais bien responsable de ce que je ressentais, de ce que j’éprouvais dans telle ou telle situation. J’ai appris à me responsabiliser, à assumer ce qui se passait en moi ».
  • Toute démarche de changement suppose un travail d’archéologie personnelle sur son enfance, sur sa famille avec une éventuellement remise en cause de son passé. « J’ai pu dire à mon frère combien je l’avais détesté et que j’avais même souhaité sa mort quand il est né. J’avais d’un seul coup le sentiment qu’il prenait toute la place dans la maison, que je n’étais plus rien ».
  • Pouvoir dépasser le conflit entre besoin d’affirmation et besoin d’approbation, « Le jour où j’ai pu dire à mon mari que je partais huit jours en vacances toute seule, pour me retrouver un peu, j’ai compris trois choses importantes - que je n’aurais pas son approbation - que je lui faisais de la peine - que c’était essentiel pour moi d’accepter ce constat ! »

Avec nos parents.

Devenus adultes nous découvrons que nous sommes toujours vus comme des enfants (qui ont grandis certes) par nos parents. Ils continuent généralement à vouloir nous prodiguer des soins et des conseils sous diverses formes et à déverser sur nous leurs attentes angoissées nous concernant. Nous les aimons et cependant nous conservons avec eux beaucoup de contentieux liés d’une part à quelques situations inachevées de notre enfance et d’autre part à une évolution, à des croyances différentes sur de nombreux points, à des valeurs qui ne sont plus les mêmes, à des comportements parfois opposés face à l’éducation des enfants, aux choix professionnels, aux engagements politiques ou des choses plus triviales ou prosaïques qui font le quotidien, comme le choix de tel frigidaire ou de telle voiture, sur la vêture des enfants, leur scolarité, la façon de se tenir à table etc.

  • Pouvoir parler, échanger, mettre en commun avec ses parents est toujours une aventure risquée, car ils se sentent responsables de notre bien être, impliqués par notre réussite ou nos échecs, concernés par notre bonheur et surtout par tout ce qui peut remettre en cause cette vision idyllique de la vie ou leur image de “bons parents”. Tenter de partager nos interrogations, nos doutes ou quelques unes de nos péripéties sentimentales ou autres de notre vie, c’est les inquiéter, les déstabiliser ou réveiller quelques culpabilités secrètes qui vont les assaillir et gâcher leur vieillesse. « Je voudrais tellement parler avec mon père de ce qui m’arrive avec mon ami, mais je le sens si vulnérable. J’ai peur qu’il s’effondre ou se mette en colère en me disant qu’il m’avait assez prévenu. Alors je l’apprivoise, je lui pose des questions indirectes, je donne des exemples me concernant comme si c’étaient ceux d’une amie. Là il peut m’entendre et même me donner des conseils très utiles ».
  • Utiliser la contextualisation. C’est une façon d’actualiser notre vécu en replaçant les faits dans le contexte historique où ils sont survenus. Pouvoir dire à nos parents d’aujourd’hui, que c’est à l’homme ou à la femme qu’ils étaient à 30 ou 35 ans quand nous avions 10 ans, que nous nous adressons en fait. Mettre des mots sur tout ce qui a été retenu, refoulé ou déplacé, nous permet souvent de les rencontrer et de changer la relation. On ne peut changer nos parents, mais on peut changer la relation que nous avons avec eux.
  • Prendre le risque de la confrontation. Il ne s’agit pas de s’affronter, de vouloir convaincre, mais seulement de dire ce que nous sommes devenus aujourd’hui. « Le jour où j’ai pu dire à ma mère que je renonçais à me marier, après deux ans de fiançailles, j’ai compris que je n’aurais pas son approbation, que je blessais tout un rêve et que j’étais démunie pour l’aider à faire le deuil de ce gendre idéal qu’elle m’avait trouvé ».
  • Veiller à confirmer que le lien existe toujours, que ce lien ne nous attache pas, mais qu’il nous relie et qu’il peut être alimenté par des messages positifs. S’il est nourri saturé de reproches, de culpabilisation, d’injonctions (de tous les enjeux du Système S.A.P.P.E.) alors il s’appauvrit, se blesse, devient moins fiable. « Je me sens ta fille et je te vois bien comme mon père. Peut-être as tu remarqué que depuis quelque temps, je te renvoie systématiquement ce qui n’est pas bon pour moi venant de toi. Mais as-tu aussi relevé que j’amplifiais tout le bon, que je confirmais les bons moments passés ensemble ? »
  • Confirmer que la relation d’aujourd’hui a besoin de réciprocité. « Cela veut dire que je peux te parler, Maman, comme à une femme, avec la femme que je suis ! Que je peux avoir, Papa, des points de vue d’adulte qui sont différents des tiens, sans que tu te sentes pour autant un mauvais père, ni penser que tu as échoué avec moi… »
  • Éviter de remettre en cause leurs valeurs et leurs croyances. « Je sais, Maman, que tu es contre l’avortement. C’est pour cela que je n’ai pu t’en parler à l’époque où j’ai vécu le mien. Je savais que j’allais blesser tes convictions religieuses. Aujourd’hui le fait de pouvoir t’en parler, de te dire comment j’ai vécu cet événement, ce qu’il a représenté pour moi sans me sentir jugée ou rejetée me soulage, me rapproche de toi».
  • Se donner les moyens d’échanger, de partager avec eux, quand nous approchons d’un âge où il leur est arrivé quelque chose d’important. En établissant des reliances, des ponts ou des passerelles entre un événement de notre vie et de la leur au même âge, nous pouvons mieux entendre combien nous sommes parfois des enfants fidèles, porteurs de loyautés invisibles et tenaces. « J’ai découvert que j’ai fait une fausse couche, au même âge que tu avais, toi, quand tu as quitté Papa… »
  • C’est avec nos parents qu’il nous appartient de faire preuve de vigilance et même d’indulgence ou de patience si nous voulons vraiment éviter de se nous heurter ou d’entretenir quelques uns des autosaboteurs qui polluent notre vie. En particulier en les invitant de ne plus pratiquer “l’appropriation”, quand ils s’emparent de nos propos comme s’il s’agissait de reproches, qu’ils se rendent responsables de ce qui s’est (mal) passé ou pas passé, qu’ils s’imaginent automatiquement que c’est à cause d’eux que nous avons fait ceci ou cela, que nous avons divorcé ou échoué dans tel ou tel domaine. « Papa quand je tente de mettre des mots sur ce que j’ai vécu avec toi, ce n’est pas une accusation ou une mise en cause de ta personne. Si tu prends tout ce que je dis comme une attaque, je ne peux plus rien dire, je suis bâillonnée, interdite de paroles ! » Nous pouvons aussi passer à une proposition concrète : « Lorsque je te parle, je te demande simplement de m’écouter… je n’attends pas de toi une réponse, une solution ou une justification, mais juste ton écoute et si possible l’expression de ton ressenti du moment ».

Grandir  

Par Isa Luna

Sous le soleil de mon plus bel été,
je me sens belle comme jamais je ne l’ai été.
J’ai préféré tourner la page sur mes douleurs d’hier,
admirer l’arc en ciel et respirer le bon air.

Sur la base de relations Espérentisistes*,
j’ai pris le parti d’une vision très optimiste
pour devenir libre et maître de mon destin
et faire jaillir mes richesses comme mon propre butin.

Être pleinement conscient des événements,
permet de rompre le cycle stérile des enchaînements
en restituant le mal qui nous vient du passé
et en construisant l’avenir pour mieux se dépasser.

Il faut apprendre à se faire respecter.
En aucun cas ne laisser l’autre nous étiqueter.
Se positionner et parfois oser refuser,
faire des demandes claires sans tenter de ruser.

Vient le temps du “Donner” dans la générosité,
sans calcul, dans l’abondance et la gratuité,
puis celui du “Recevoir” sans culpabilité,
amplifié par la magie et la créativité.

Il est important d’être bienveillant et à l’écoute de ses besoins,
de s’aimer soi-même, et ses désirs en prendre soin,
pour aimer l’autre, sans chercher à réparer ou combler,
mais au contraire, découvrir la joie d’aimer sans trembler.

Toute relation doit être par essence vivante.
Il faut la nourrir et apporter de nous le meilleur,
de l’autre, accueillir tout ce qui est beau et vient du cœur
et faire de chaque rencontre une chapelle ardente.

Tout un chacun, pour grandir, doit vivre dans l’instant présent,
être centré, libérer de l’énergie, ici et maintenant,
dire “MERCI À LA VIE” et ne plus courir après le bonheur en vain
et préserver un lien avec l’Univers, le Merveilleux et le Divin.

* allusion à la Méthode E.S.P.È.R.E.® proposée par Jacques Salomé.


À propos des outils de la Méthode E.S.P.È.R.E.®  

Par Jacques Salomé
 

(Énergie Spécifique Pour une Écologie Relationnelle à l’Essentielle).

Qu’est ce que l’écharpe relationnelle ?

C’est un des outils les plus connus de la Méthode E.S.P.È.R.E.®. Sa signification aisée à saisir et son maniement pratique en font un instrument très opérationnel. L’écharpe relationnelle vise à clarifier les enjeux réels d’un échange, lorsque celui paraît complexe à l’un ou l’autre des protagonistes. Elle est un support concret qui favorise des ajustements indispensables pour permettre une mise en commun où chacun des interlocuteurs peut à la fois se dire et être entendu. Cela permet aussi de montrer que chacun est responsable de son bout de la relation.

L’écharpe est une forme de métaphore vivante qui aide à matérialiser ou visualiser (par un foulard, une écharpe, un bout de ficelle) le lien durable ou ponctuel qui existe entre deux personnes qui veulent communiquer, c’est-à-dire mettre en commun.

Avec l’écharpe qui sera tenue par chacun des interlocuteurs en présence (l’enseignant et l’enseigné, deux élèves, un enseignant et un parent), nous montrons que toute mise en commun se fait à partir d’un discours verbal soutenu par un discours moins visible de type non verbal dans lesquels vont circuler différents messages.

Le message émis peut être clair (description d’un fait, d’une idée, d’un ressenti actuel) mais il peut énoncer aussi un retentissement lié à une image de soi, au passé et réveiller des blessures anciennes par ce qui se dit. Les messages émis peuvent être aussi paradoxaux, confus, contradictoires. Ils peuvent comprendre différents niveaux et registres et être porteurs de significations très différentes.

Il ne suffit pas qu’un message soit émis, encore faut-il qu’il parvienne jusqu’à son destinataire. Un message circule dans la direction de celui à qui il s’adresse au travers d’une relation. C’est cette relation que représente l’écharpe. Autrement dit, une relation est semblable à un canal, un pont, une passerelle dans ou sur lesquels vont circuler (en évitant de se télescoper si chacun parle en même temps) des messages. Des messages qui seront reçus ou rejetés, amplifiés ou disqualifiés, confirmés ou ignorés par celui à qui ils s’adressent.

L’écharpe relationnelle permet de mieux conscientiser que chacun des protagonistes d’un échange est engagé dans une double responsabilité :

  • celle liée à la nature positive ou négative des messages qu’il envoie : comment s’exprime-t-il ? Avec des remarques volontairement blessantes, en ne mâchant pas ses mots, ou en veillant à ne pas prendre l’autre pour une “poubelle” ou un dépotoir ?
  • celle liée à la façon dont il reçoit les messages et ce qu’il en fait. Se dynamise-t-il avec ? Se blesse-t-il ou se disqualifie-t-il ? Car c’est celui qui reçoit le message qui lui donne un sens positif ou négatif.

A partir de l’écharpe relationnelle vont s’énoncer, se décliner ou s’ajuster différentes règles d’hygiène relationnelle qui nourriront là aussi de façon constructive la relation au lieu d’en saboter les possibles. Les enfants adhèrent spontanément à la mise en œuvre de cette visualisation, car cela leur permet de ne pas se sentir confondu avec les comportements, les manques ou les actes qu’ils produisent.

Le bâton de parole.

Surtout utilisé en situation de groupe (classe, famille nombreuse, lieu professionnel…) Il sert à régulariser l’ordre et les temps de parole de chacun. Dans chaque classe, chaque groupe, il existe toujours des “ténors” qui monopolisent l’attention ou qui ont plus de facilités pour prendre la parole. Le bâton de parole invite à une meilleure répartition des prises de parole, en offrant la possibilité à ceux qui ont du mal à s’exprimer de le faire à leur rythme.

Un morceau de bois, une cuillère en bois, ou tout autre objet facilement préhensible peut constituer un bâton de parole qui sera reconnu et choisi comme tel par ceux qui veulent l’utiliser pour symboliser à la fois le désir de parler et celui d’être entendu.

Ainsi l’enfant qui veut s’exprimer peut réclamer le bâton et se sécuriser suffisamment avec pour prendre le risque de parler. Il signifie ainsi son envie de se dire et son besoin d’être entendu. Celui qui prendra le bâton de parole ensuite, ne pourra pas parler sur celui qui vient de s’exprimer, mais sera invité à parler de lui.

La visualisation et la symbolisation.

Dans la pratique de la Méthode E.S.P.È.R.E.®, la visualisation et la symbolisation sont deux médiations essentielles auxquelles il est souvent fait appel. Leur emploi tient au constat que les mots sont nécessaires et indispensables pour communiquer, mais qu’ils sont insuffisants pour créer, nourrir, dynamiser une relation de durée et surtout une relation d’apprentissage et de formation. Leur usage n’est pas une fin en soi. Ils font partie des moyens et des dispositifs de facilitation qui visent à soutenir, à renforcer et à amplifier au delà des mots, les autres langages et modes d’expression dont nous disposons.

La visualisation.

C’est une façon concrète de représenter à l’aide d’un objet, ce dont on parle. Visualiser ce sera par exemple représenter un désir ou un sentiment. S’il nous paraît central, on pourra choisir un bel objet tel qu’une pierre précieuse ou une matière rare, qui témoignera de la valeur et de l’importance qu’occupe ce désir ou ce sentiment dans la vie de celui qui l’exprime. Visualiser une peur, ce sera inviter un enfant (ou un adulte) à la représenter et à la rendre visible par l’intermédiaire d’un objet plutôt repoussant par l’apparence, sa couleur, sa consistance. Les enfants utilisent spontanément des araignées ou des monstres en plastique pour apprivoiser leurs peurs et découvrir ainsi que derrière toute peur il y a un désir.

La visualisation favorise la différenciation, elle permet de ne pas entretenir collusion et confusions qui sont fréquentes dans un échange entre la personne et le comportement, la personne et le problème.

« Je ne veux pas être confondu avec mon retard qui te mets en colère - pour me différencier de mon comportement qui t’irrite, je te le montre - voici mon retard et pour ne pas que je te confonde avec ta colère qui concerne mon retard, je t’invite à la représenter. Cela nous permettra à tous les deux de ne pas être identifiés au comportement qui gêne l’autre »

Un exemple de visualisation simple sera de prendre un objet qui représentera les difficultés scolaires d’un enfant, pour lui montrer que notre malaise, notre irritation est lié à ses difficultés et non à lui et que nous ne mélangeons pas les deux réalités.

Dans le cadre d’une classe, d’une formation ou d’une sensibilisation à la Méthode E.S.P.È.R.E.®, la visualisation des enjeux d’une situation ou d’un problème présenté pourra être pratiquée en choisissant, non pas objets mais des personnes volontaires qui accepteront d’être choisies pour participer à des mises en scène qui vont permettre à chacun de s’identifier et de mieux se repérer. Pour représenter par exemple les différentes formes d’amour que sont le don d’amour, le besoin d’amour, l’amour idéalisé ou de consommation etc. Pour représenter aussi les rapports qu’entretiennent entre eux le besoin d’approbation et le besoin d’affirmation qui sont présents chez chacun.

Les démarches symboliques.

Les symbolisations correspondent à l’ensemble des faits, des gestes, des actes, des démarches ou des rituels que nous pouvons imaginer, inventer, entreprendre en conscience et accomplir en leur attribuant une visée d’amélioration, d’assainissement et de soin de nos relations aux autres ou à nous-mêmes.

Les symbolisations concernent des faits, des événements de la vie qui n’ont pas donné lieu à reconnaissance ou considération – qui ont même été le plus souvent banalisés ou discrédités – alors qu’ils ont été et restent en nous et pour nous marquants, significatifs, actifs voire traumatiques. Parmi eux on trouve des deuils non faits, des morts sans tombeau ni sépultures (fausses couches par exemple), des premiers amours idéalisés, des chagrins trop vite ravalés, des drames en attente d’élaboration, des renoncements non advenus mais aussi des témoignages d’amour, de reconnaissance ou de gratitude qui n’ont pas pu être adressés à leur destinataire en temps voulu, quand on pensait avoir toujours le temps. Ainsi il sera possible de trouver un objet qui représente l’amour que nous n’avons pu exprimer ou donner à un père, à une mère, à être proche, qui serait décédé.

Un professeur en début d’année peut montrer avec quelques objets tout le savoir qu’il souhaite pouvoir dispenser à ses élèves, il peut aussi montrer par un autre objet : son besoin de silence, de participation, d’écoute et de collaboration qu’il attend de ses élèves.

Les élèves pourraient montrer de la même façon leur besoin de bouger, de parler, de s’intéresser à autre chose que la matière scolaire. Il serait ainsi possible de constater qu’il y a parfois concurrence entre les besoins des uns et des autres.

Une symbolisation commence quand un objet particulier, choisi à cet effet, devient le support d’une attention ou d’une action qui s’inscrit dans l’esprit de la Méthode E.S.P.È.R.E.® c’est-à-dire dans le souci de proposer du relationnel dans un partage et non dans le conflictuel d’un règlement de comptes, dans l’excès d’un défoulement ou la jouissance, dans le désir de blesser ou d’un besoin de vengeance.

Une symbolisation est à la fois visualisation et démarche relationnelle.

Dans le cadre de la relation à soi se sera par exemple :

  • achever une situation inachevée. C’est une façon de tourner une page de notre histoire, d’en clore certains épisodes douloureux, de donner un sens et une place à un événement marquant, à des répétitions négatives ou à des souvenirs enfouis ou tenus secrets qui étaient restés jusque-là sans cérémonie, sans prise en compte, en attente de reconnaissance. La symbolisation a une fonction de restauration, de réparation, elle permet de penser et de panser les blessures de l’enfance ou d’accompagner les temps d’épreuve et les péripéties de la vie adulte. Pour quelqu’un qui a subi une IVG ou une fausse-couche par exemple, la démarche symbolique consistera à mettre en terre une graine représentant l’enfant qui n’est pas venu à la vie.
  • s’occuper d’un besoin, d’une attente, d’un rêve, d’un projet ou d’un désir. Ce sera tout d’abord trouver un objet qui représente ledit rêve ou ledit projet, et entreprendre une démarche pour soi autour et à partir de ce besoin. Par exemple choisir un objet qui représente son désir de réussir un concours et prendre cet objet avec soi au cours des semaines ou des mois de préparation de cet examen. Voir, toucher, sentir le contact de cet objet servira à focaliser et centrer nos énergies positives et évitera de les laisser se disperser et happer par des relents de peur d’échouer.
  • Les symbolisations permettent de se réunifier, de se relier à sa créativité et de retrouver un pouvoir de vie (entre autre, celui de se sentir partie prenante de ce qui nous arrive en ayant la conviction de pouvoir exercer un minimum d’influence sur ce qui se passe d’essentiel pour nous).

Quand la symbolisation s’inscrit dans le cadre d’une relation interpersonnelle intime, un objet pourra être le support à un échange en direction d’un autre, pour permettre d’introduire une distanciation quand ce que nous lui disons est trop chargé d’affects. Dans une relation de couple par exemple si l’un est dans un non désir d’enfant, il pourra symboliser ce non désir, face à l’autre qui pourra symboliser son propre désir et tenter d’en prendre soin en le respectant. La démarche de symbolisation pourra aussi consister à restituer dans l’après coup, une violence verbale, une disqualification. Ce sera donner un sens spécifique à un objet pour représenter ce qui nous a touché ou blessé.


De l’amour de SOI à l’amour de l’AUTRE  

Par Jacques Salomé, “Recto-Verseau” 251 – avril 2014

L’amour de soi n’est pas une notion qui est très valorisée dans nos sociétés. On pourrait même dire que ce n’est pas bien vu de s’aimer, de s’accorder de l’intérêt ou de l’affection, car on vous traitera d’égoïste ou d’égocentrique. Et pourtant, le plus beau cadeau que nous puissions faire à nos enfants, n’est pas tant de les aimer, que de leur apprendre à s’aimer. Un enfant qui ne s’aime pas, sera par la suite un adulte qui aura beaucoup de mai à aimer et qui risque d’être quelqu’un de déchiré par un besoin tyrannique d’être aimé !

On me demande souvent, qu’elle est l’origine de l’amour de soi ? Non pas d’un amour narcissique et égocentrique, mais d’un amour de bienveillance, de respect, de tendresse envers nous-mêmes, envers l’enfant que nous avons été, que nous portons encore en nous, à tous les âges de notre vie. Les points d’ancrage favorisant la naissance de l’amour de soi seront essentiellement :

  • De pouvoir reconnaitre et respecter nos besoins relationnels fondamentaux, afin de pouvoir nous construire et développer suffisamment de confiance et d’estime de soi, pour envisager la possibilité d’aimer… un autre que soi. Car si nous ne savons pas nous aimer nous allons être sans cesse dans le besoin d’être aimé et risquons alors de proposer à celle ou à celui que nous rencontrons, une relation porteuse d’exigences et qui peut devenir terroriste en faisant peser sur cette personne notre besoin.

Donc prendre soin de ses propres besoins relationnels que je rappelle brièvement :

  • besoin de se dire ;
  • d’être entendu ;
  • d’être reconnu ;
  • d’être valorisé ;
  • besoin d’intimité ;
  • besoin d’exercer une influence sur nos proches,
  • et besoin de rêver.

 

  • Avec en filigrane, toujours présent, le besoin d’être aimé à l’intérieur d’une relation de respect, de croissance et de créativité.

L’amour de soi, n’est pas lié comme beaucoup le croient à l’amour reçu de nos parents, mais il a pour origine la qualité des relations significatives présentes (ou défaillantes) vécue dans notre enfance et par la suite celles que nous allons créer ou qui nous sont imposées à l’âge adulte. C’est ainsi que les fondements de l’estime ou de la mésestime de soi peuvent s’inscrire durablement en nous, avec notre capacité à nous aimer.

C’est l’amour de soi qui ouvre à l’amour de l’autre et à la possibilité d’établir des relations durables et fiables, non seulement avec des proches, mais aussi avec ceux qui vont nous accompagner durant notre vie.


Gérer les messages positifs ou négatifs que nous recevons  

Par Jacques Salomé, “Recto-Verseau” 235 – novembre 2012

Nous recevons de la part de notre entourage proche ou moins proche, de nombreux messages que nous pouvons classer en trois catégories.

  • Des messages verbaux ou non verbaux positifs, c’est à dire des mots ou des attitudes qui nous stimulent, des paroles ou des gestes bienveillants qui nous font du bien, qui confirment la confiance, l’estime de soi et même l’amour que nous pouvons avoir envers nous mêmes. Amour non pas narcissique ou égocentrique mais amour de bienveillance, de respect envers notre propre personne.
  • Des messages négatifs, qui peuvent nous inhiber. Des messages à base de dévalorisations, de disqualifications, qui vont semer le doute en nous, blesser l’image que nous avons de nous mêmes, nous paralyser et trop souvent entretenir des auto privations, dans le sens où nous allons nous interdire soit de parler, soit de faire et ainsi d’utiliser à minima nos ressources.
  • Et puis il y a des messages toxiques, extrêmement nocifs pour notre personne. Qui vont nous blesser durablement car ils vont s’inscrire profondément et réveiller quelques unes des blessures de notre enfance. Ces messages sont de véritables poisons, capables de développer en nous des comportements mortifères tant ils atteignent, au delà de l’image de nous mêmes, des zones de vulnérabilité qui vont entretenir désarroi, détresse et souffrance durables.

Nous avons donc compris que les premiers messages sont énergétigènes, qu’ils engendrent et développent en nous des énergies. Qu’ils vont nous dynamiser et surtout vivifier nos ressources et stimuler notre créativité et nos possibles.

Quand aux seconds et troisièmes types de messages, ils sont non seulement énergétivores mais nous déstabilisent, nous entrainent à des conduites réactionnelles qui se révéleront le plus souvent préjudiciables pour nous et notre entourage, car ils sont l’équivalent de véritables toxines qui envahissent nos pensées et polluent notre imaginaire.

J’enseigne au travers de la Méthode E.S.P.È.R.E.®, deux démarches pour mieux gérer les messages que nous recevons. Pour les messages positifs, accepter de les recevoir sans les minimiser, sans les banaliser ou même les rejeter.

Pour les messages négatifs et toxiques, oser les restituer, les “remettre” symboliquement à celui ou à celle qui les a déposés sur nous. Ainsi je peux en m’appuyant sur un objet (celui que je peux avoir sous la main) le remettre à celui qui m’a blessé avec un mot d’accompagnement : « Ce mot avec lequel tu me définis, ce geste que tu as déposé sur moi, cette opinion que tu portes sur ma façon de vivre, d’être, de faire ou de ne pas faire, c’est ton regard à toi, ton point de vue, ta façon de faire ils ne sont pas bons pour moi, je les laisse chez toi, ils t’appartiennent… ».

Cette pratique des actes symboliques constitue une aide précieuse pour ne pas se laisser polluer ou blesser par ce qui vient de l’autre et qui n’est pas bon pour nous.

L’être humain est un curieux animal, il est capable de régurgiter, de rejeter quasi automatiquement un aliment qui n’est pas bon pour lui, mais capable de garder durant des années des messages toxiques qui vont le blesser ou entretenir en lui doutes et de la non confiance. Nous sommes en ce sens responsable, non pas de ce qui nous arrive, mais de ce que nous en faisons.


Pour ne pas confondre Pertes et Disparitions  

Par Jacques Salomé, “Recto-Verseau” 228 – mars 2012

« J’ai perdu ma maman », « J’ai perdu mon père » ou « J’ai perdu mon fils dans un accident de moto… ».

Il s’agit là d’expressions fréquemment utilisées, par ceux et celles à qui s’est imposée la “perte” d’un être cher ou proche, qui ont été confrontés à la disparition d’une personne importante pour eux, qui ont vécu un bouleversement violent, lié à la mort de quelqu’un qui comptait pour eux.

C’est Dominique Geffroy, qui vit au Québec, formatrice en Méthode E.S.P.È.R.E.®, qui a attiré mon attention et qui m’a sensibilisé à nouveau, à une collusion fréquente que nous faisons entre une perte et une disparition. Car en disant “j’ai perdu”, en restant centré sur la notion de perte, cela risque d’inscrire en nous un double malentendu.

Un des malentendus est le suivant : si j’ai perdu quelque chose ou quelqu’un, cela veut dire, peut-être, que je peux garder l’espoir de retrouver sinon la personne, du moins le souvenir de la relation et que cela risque de me piéger dans une attente vouée à l’échec, dans l’espoir d’un miracle, d’une répétition !

Un autre malentendu, est de confondre la personne qui a disparu (que j’ai perdue) avec ce que j’ai réellement perdu dans cette disparition. Et donc nous inviter à déplacer notre attention, d’arrêter de rester polarisé sur la personne, et de commencer à se centrer sur ce que représentait réellement cette personne dans notre vie !

« Qu’ai-je réellement perdu en perdant ma mère ? »

- Est-ce la partie maman, qu’elle ne m’a jamais donnée et que j’ai toujours espérée, qu’un jour, elle pourrait quand même m’offrir, être enfin une maman bienveillante pour moi ?

« Qu’ai-je perdu en perdant mon fils ? »

- L’espoir de pouvoir être un jour grand-père ou grand-mère, devoir ma lignée se prolonger.

« Qu’ai-je perdu en perdant mon meilleur ami ? »

- Une présence chaude, bienveillante, un soutien, un repère, un ancrage important de ma vie !

« Qu’ai-je perdu en perdant ma femme, mon mari ? »

- Une présence rassurante, amoureuse, des plaisirs partagés, des projets en commun ! Le rêve de vieillir ensemble !

Autrement dit, je peux rester dans le leurre, que ce qui me manque est la personne, alors que le manque véritable est ailleurs, et va continuer à hurler, ou à se manifester, en moi durant longtemps, si je ne prends pas soin de ce manque.

C’est ce qui fait mieux comprendre, que nous pouvons à la suite du décès d’un conjoint, recommencer une relation conjugale, nous engager à nouveau, sans pour autant combler le manque qui continue à nous habiter. Manque, non pas d’une personne, il faut le répéter, mais de ce que cette personne représentait, nous apportait, venait combler dans notre histoire.

Il sera important à la disparition de quelqu’un de significatif dans notre vie, de mieux cibler où se situe la vraie perte.

Qu’avons-nous perdu qui ne reviendrait jamais ?

Dans quel domaine cette perte a été la plus vive, la plus essentielle et surtout à quel manque, ancien, primaire parfois, cela nous renvoie-t-il encore aujourd’hui dans notre vie d’adulte ?

Cette démarche de recentration, me parait très importante avec les enfants.

En les aidant à visualiser, non pas la personne disparue, mais ce qu’elle apportait, ce qu’elle représentait, à quel manque, ou attente, elle fait aujourd’hui défaut, nous pouvons les aider à ne pas entretenir des répétitions, des scénarios qui leur fera rechercher un leurre ou s’engager dans des actions ou des relations qui resteront insatisfaisantes, car trop chargées de frustrations.

Parfois aussi, un déménagement, la vente d’une maison de famille, une expatriation, vont réveiller une blessure ancienne, réactiver une situation douloureuse inachevée et déclencher des comportements réactionnels ou inadaptés, si on n’entend pas la nature de ce qui a disparu, de ce qui a été perdu !

Ou, dans un tout autre domaine, quand nous entendons : « Avec l’arrivée de la crise dans mon secteur, j’ai perdu mon emploi » ou « Quand mon entreprise a été rachetée, j’ai perdu mon poste ! ».

Là aussi, nous pouvons inviter la personne à s’interroger :

Qu’a-t-elle réellement perdu ? Une sécurité, une source de valorisation ou de réalisation personnelle, un statut social ?

En posant ces quelques balises, nous voulons contribuer, à permettre à ceux qui vivent la disparition d’un être cher ou d’une situation acquise, comme une “perte” les déstabilisant ou leur faisant violence, de mieux cerner comment il leur serait possible de ne pas entretenir trop longtemps cette violence en eux.


Pour ne pas confondre rencontres et relations !  

Par Jacques Salomé, “Recto-Verseau” 252 – mai 2014

Notre société offre à chacun d’entre nous la possibilité de vivre de multiples rencontres, que ce soit dans des lieux publics, de lieux professionnels, des fêtes familiales et surtout sur des sites Internet (environ 2.200 sites de rencontres !), Dans ce dernier cas il s’agit, dans un premier temps, de rencontres virtuelles qui se concrétisent ou pas en rencontres réelles. Rencontres qui peuvent quelquefois se développer en relations d’intimités plus ou moins intimes. Certaines de ces relations vont même s’inscrire dans le temps et se traduire par la création d’un couple ou d’une relation de compagnonnage plus ou moins durable.

Toute rencontre virtuelle, par la médiation de mots échangés au travers un e-mail, un texto, ou d’un écran, ne se traduit pas nécessairement par une relation réelle de personne à personne. Car au delà de l’étonnement, de l’apprivoisement ou du souhait de faire connaissance, une relation suppose, outre des échanges et des partages improvisés, des mises en commun autour d’affinités, de ressentis partagés ou de bien être perceptible, l’établissement d’un lien qu’il sera nécessaire d’alimenter et d’entretenir dans le temps, avec le désir d’une réciprocité.

Chacun des protagonistes aura des attentes plus ou moins conscientes, des satisfactions ou des réserves, des réticences ou encore des résistances.

Nous vivons une époque paradoxale, dans laquelle nous avons de nombreux moyens pour nous exprimer (téléphone cellulaire, internet, skype) où sont présentes cependant des forces anti relationnelles à base de méfiance, de peur, du besoin de protéger son intimité. J’en parlais avec mon voisin de train l’autre jour. Il n’avait pas pris le train depuis 20 ans et s’étonnait que personne ne parle à personne, que les regards s’évitent. Il me disait que lorsqu’il prenait le train dans les années 80, tout le monde à cette époque (pourtant proche) se parlait.

« Oui, je parlais à tout le monde, à présent, on n’ose même plus lever le petit doigt. Je me suis fait remettre en place en revenant de Pau, parce que j’ai osé m’adresser à ma voisine assise devant moi ! Par contre, un peu plus tard, une femme présente au bar du TGV, m’a dit comment la méfiance s’était installée chez elle depuis quelques années, sitôt qu’elle sentait une attention se focaliser sur elle.

- Je suis souvent interpellée, m’a-t-elle dit, dans le bus ou dans la rue, par des hommes que je ne connais pas et instinctivement je me protège, je réponds du bout des lèvres, j’ai peur que ça aille trop loin. Idem sur internet, je suis parfois contactée par des inconnus, automatiquement, je me méfie, je me protège, j’ai peur des conséquences, sans savoir d’ailleurs desquelles ! ».

Dans un autre train, mon voisin m’a dit spontanément : « Oh ! Regardez, la dame en face fait de l’origami ! » J’ai répondu un peu fort : « Oh ! J’adore, je viens d’acheter un livre de kirigami à ma petite-fille ». La dame m’entendant a entamé une conversation, finalement les quatre passagers en vis-à-vis se sont pris au jeu et au bout de dix minutes, nous étions tous en train de plier nos petites feuilles et de suivre ses instructions. Arrivés à Avignon, nous nous étions apprivoisés, nous avons échangé nos mails et promis de se revoir à des manifestations sur Avignon ou Aix en Provence. Comme quoi, il faut peu de choses pour nouer une relation.

Au moment de me préparer à descendre, une dame qui était restée silencieuse jusque là, assise à une place individuelle, m’a chuchoté : « Moi, dans le train J’essaie toujours d’entrer en relation avec mes voisins, mais ça ne prend plus comme avant. Dommage. Il faut dire que presque tout le monde a devant lui soit son ordinateur, soit sa tablette, soit ses écouteurs sur les oreilles… J’ai eu du plaisir à vous entendre ! ».


Pour aller au-delà du pardon  

Par Jacques Salomé, “Recto-Verseau” 234 – octobre 2012

« J’aimerais que vous écriviez sur le Pardon », m’écrit cette correspondante. « Je trouve que cela s’associe très bien aux fêtes de Noël qui approchent, à la fin d’une année et aux promesses d’une année nouvelle. Je crois que le pardon peut engendrer plus de compassion et de tolérance ». Je suis désolé de ne pouvoir répondre plus positivement à cette demande, j’ai déjà beaucoup écrit sur cette question, j’ai souvent été interpellé et même critiqué pour mes positions à propos du pardon.

Au risque de décevoir ceux qui me lisent, je ne suis pas pour le pardon. Si je reste fidèle à mes convictions, je crois même que le pardon est une immense escroquerie à soi-même (pour celui qui pardonne) et également envers l’autre (celui qui se croit pardonné). Je sais que le pardon a été très valorisé par les premiers Chrétiens. En pardonnant à leurs persécuteurs, ils suscitaient admiration et par là même une certaine protection. Et ce n’est pas par hasard, si le pardon est si apprécié dans la plupart mouvances religieuses, s’il redevient une valeur actuelle. C’est devenu une quasi institution, qui renforce, à mon avis, le pouvoir dominant. Car le plus souvent il s’agit d’accorder son pardon au dominant, au plus fort, à celui qui détient le pouvoir et qui en a abusé, à celui qui a déposé une maltraitance ou fait violence…

Par contre, je défends la possibilité de mettre en œuvre une démarche spécifique que j’appelle: la pratique de la restitution symbolique des messages toxiques déposés sur nous, que ce soit au travers d’une violence physique, psychologique ou relationnelle, d’un simple geste, parole, ou attitude qui est vécue comme une maltraitance par celui qui la reçoit.

J’enseigne qu’il est possible de restituer, de “remettre” chez l’autre, avec l’aide d’un objet symbolique, qui représentera l’impact de ce qui m’a blessé, (geste, parole, conduite, comportement…) pour ne pas garder en moi, dans mon esprit, dans mon corps, les impacts nocifs ou les effets pervers de ce geste, de cette parole, de ce comportement qui m’a été imposé et que je ne ressens pas bon pour moi.

Je crois que le seul pardon que l’on puisse accorder, c’est à soi même, pour n’avoir pas su se respecter, pour n’avoir pas “restitué” plus tôt les violences reçues, pour les avoir laissé s’enkyster, s’auto alimenter durant des années dans notre corps (c’est l’origine d’ailleurs d’un certain nombre de somatisations, de kystes et autres tumeurs qui vont se réveiller des années plus tard, même après qu’on ait pardonné).

Si je prends un exemple, plus fréquent qu’on ne l’imagine. Supposons que je sois le vilain monsieur qui, lorsque qu’elle avait 8 ans, a violé cette petite fille et en plus lui a imposé silence. Aujourd’hui je suis devenu un vieux monsieur de 85 ans, et cette enfant, une adulte active, épouse et mère, engagée dans la vie. Elle peut me croiser dans la rue, je ne la reconnaît pas (il y a si longtemps, je ne suis plus le même homme, je suis à moitié aveugle, je marche difficilement). Et cette femme pensant avoir digéré, assumé la violence que j’ai déposée dans son corps il y plus de trois quart de siècle, pour faire la paix avec elle même, pour ne plus se laisser entraîner par des ressentiments ou par compassion, décide de me pardonner. Ainsi donne-t-elle quitus à celui qui l’a violenté, le libérer, l’apaiser en quelque sorte de ce qu’il lui a fait…

Elle peut effectivement éprouver, dans un premier temps, une sorte de soulagement, plus de paix en elle. Mais si elle s’est débarrassée du ressentiment, des sentiments négatifs ou agressifs qu’elle avait encore envers son agresseur, la violence qu’elle a reçue est toujours en elle !

Cette violence reçue, enkystée dans votre corps ne s’est pas évaporée. La souffrance qu’elle portait s’est peut être diluée, apaisée, mais la violence est toujours là, présente, encore à l’affût, semblable à une bombe à retardement qui peut se déclencher à tout moment à partir d’une parole anodine, d’un geste banal, d’un comportement un peu atypique, par quelqu’un de son entourage proche ou moins proche. Ce sera l’équivalent d’un détonateur allumant une mèche qui déclenchera une implosion en elle.

J’ai à l’époque écrit à ma correspondante : « Si vous souhaitez ouvrir une réflexion sur le pardon, je vous invite à trouver quelqu’un d’autre pour aborder et développer ce thème s’il vous tient à cœur, car autrement mon propos s’intitulera : Je ne crois pas au pardon ».

Celle ci m’a répondu : « Je peux comprendre votre point de vue, même si je ne le partage pas tout à fait. Ce n’est pas moi la spécialiste. Je pense en effet que la violence qu’une personne a reçue dans son corps et dont vous parlez dans votre exemple sera, à mon avis, la même, qu’elle pardonne ou pas.

Mais je crois que si je pardonne au vilain monsieur de m’avoir fait du mal, c’est à moi que je fais du bien. En ce sens, le pardon me place au-delà de la souffrance, elle n’est plus devant moi, elle est derrière. En pardonnant, ça ne change rien aux faits, mais c’est pour moi une victoire sur la souffrance. À mes yeux, cela implique un cheminement intérieur, plus ou moins long, dépendant de l’intensité de la souffrance que j’ai engrangée.

C’est un peu le sens du propos dont j’aimerais témoigner.

Comment trouver la paix en soi (l’harmonie et le bien-être) dans un monde de violence, d’insécurité, d’injustices, de souffrances, de guerres ? En d’autres mots, comment faire fleurir le positif dans sa vie alors qu’on est entouré de négatif ? ».

Cette réflexion m’a stimulé pour réfléchir sur : COMMENT ALLER AU DELÀ DU PARDON… ?

Pour avancer un peu, dans ce sens, voilà quelques-unes de mes nouvelles réflexions.

J’entends un peu mieux sur quoi peut reposer une partie du malentendu qui sépare celui ou celle qui veut pardonner de mes propres positions. Il me semble qu’il y a une confusion entre trois phénomènes très différents et qu’il s’agit justement de ne pas confondre : violence reçue, blessure crée et souffrance produite.

La violence reçue nous vient en général d’un tiers, au travers d’une intention volontairement maligne ou destructrice ou d’une intention qui n’était pas maligne au départ mais qui va se révéler toxique ou violente pour l’autre…

La blessure, elle, est crée par la violence reçue (même si l’autre ne pensait pas la donner). Elle s’inscrit en nous plus ou moins profondément (suivant notre vulnérabilité, l’état de notre Moi, nos ressources…) et durablement, surtout si nous n’arrivons pas à mettre des mots dessus ou si les circonstances de la vie l’entretiennent ou la nourrissent. Elle peut rester ouverte, saigner, suppurer, s’agrandir ou se cicatriser lentement suivant ce que nous allons faire pour en prendre soin ou non. Elle peut s’enkyster autour de non-dits et de silence.

La souffrance est produite non seulement par l’impact de la violence, par l’importance de la blessure qui en résulte, mais elle aussi alimentée par toutes les pensées, ruminations, ressentiments, sentiments négatifs que nous produisons envers celui/celle qui nous a violenté et parfois aussi envers nous même (entretien de pensées négatives à notre égard, sentiment de culpabilité, auto reproches, auto répression…).

Je suis bien conscient que le pardon peut effectivement diminuer, dans un premier temps la souffrance et susciter l’équivalent d’une réconciliation avec soi ou avec son passé. Qu’il peut déclencher, une réunification entre des aspects contradictoires de nous mêmes et susciter un mieux-être, un soulagement. Autant de sensations réelles qui sont éprouvées, comme le soulignent souvent ceux qui pardonnent, d’avoir dépassé l’impact de la souffrance et cheminer vers plus de distanciation par rapport à ce qui s’est passé.

Mais il convient de préciser aussi que la souffrance ne vient jamais de l’autre, elle vient de nous-même, c’est-à-dire de la blessure provoquée ou réveillée par la violence reçue à un moment donné. Blessure qui restera engrangée dans ce que j’appelle la mémoire de nos oublis. Et donc que si la violence originelle, primaire, n’est pas restituée symboliquement, elle continue paradoxalement à entretenir, à nourrir la blessure, à la faire suppurer ou plus simplement à la maintenir sensible, et donc à nous rendre vulnérable.

Toute blessure d’ailleurs, qui peut sembler être apaisée, endormie, peut se réveiller des années plus tard à l’occasion d’une rencontre, d’une parole, d’un geste… et secréter encore de la souffrance. Ce qui paraît alors totalement incompréhensible à celui ou à celle qui l’a réveillée, surtout si c’est l’un de nos proches. Cela arrive très fréquemment dans les couples et celui qui la déclenche vit mal que son geste ou son attitude provoque une telle réaction. Il le vit le plus souvent comme injuste à son égard, ce qui le rend encore plus sourd et ne lui permet pas d’entendre le vécu ou le ressenti de l’autre.

Je le répète, il s’agit parfois d’une attitude banale, d’une phrase anodine, d’un geste qui est allé se “loger” dans une zone de vulnérabilité et qui va réactiver brutalement une blessure ancienne en sommeil…

Je pourrais également parler de ce que j’appelle l’auto-violence, celle que nous produisons à l’égard de nous-mêmes, et qui vient le plus souvent entourer, épauler et paradoxalement renforcer la violence originelle. Ainsi dans l’exemple d’un viol, la petite fille, puis la jeune fille et la femme par la suite, peut faire des cystites à répétitions, des hémorroïdes, des troubles gastriques (très fréquents) ou des blocages dans ses relations sexuelles avec le partenaire qu’elle aime, qu’elle a choisi… Et nous le savons (c’est terrifiant de le constater dans l’après-coup), cette auto-violence s’inscrit durablement, de façon répétitive durant des années et devient ainsi plus dévastatrice que la violence première ou primaire.

Depuis quelques 25 ans, j’enseigne et je développe outre la pratique des actes symboliques, un concept que j’appelle “Soins Relationnels”. En proposant des actes symboliques qui visent indirectement à diminuer, à soigner la souffrance et qui permettent de cicatriser la blessure. Pour arriver à cela, j’invite, ceux qui le souhaitent, outre le fait de pouvoir restituer une violence ou une maltraitance imposée, à celui qui en est à l’origine, d’apprendre à faire des reliances en amont (avec l’histoire de ses parents, avec son passé) et en aval (avec l’histoire de ses enfants quand il en a), des reliances avec son présent proche, et avec son avenir à travers ses projets en cours.

En reliant entre eux, des événements, des situations de son histoire, qui apparemment n’ont pas de rapports, mais qui vont faire apparaître et donner un sens nouveau à différents événements de sa vie. Ce que je constate, et les témoignages que je reçois abondent dans ce sens, c’est que cette démarche est très libératoire, qu’elle apaise, réconcilie la personne avec elle même, libère des ressources en friches et permet la circulation d’énergies nouvelles restées bloquées autour de la blessure originelle, enkystées dans, des souvenirs anxiogènes ou des ruminations.

On me demande souvent comment j’envisage concrètement cette mise en acte symbolique ?

Dans un premier temps, pour celui ou celle qui a reçu la violence (verbale, morale ou physique), je lui propose de trouver un objet ou d’en fabriquer un, de faire un dessin, une sculpture qui représenterait pour cette personne, et seulement pour elle, la violence qu’elle a reçue.

Ensuite, quand il se sent prêt, de faire un paquet et de l’envoyer à celui qui a fait violence. Il est important d’ajouter un mot explicitant la démarche. Par exemple : « Avec cet objet, qui la représente, je vous renvoie la violence que vous avez inscrite (ou déposée) chez moi quand j’avais dix ans ou douze ans. Aujourd’hui, je ne souhaite plus garder cette violence dans mon corps et je vous la restitue car elle vous appartient, c’est bien la vôtre ».

Il me parait important que ce geste, cette action soit faite non pas dans le réactionnel, (s’il a encore du ressentiment, un désir de vengeance, de punition, la démarche sera biaisée), mais dans un relationnel bien assumé. Cela suppose au préalable, une démarche de conscientisation qui pourrait s’exprimer ainsi :

« C’est bien moi qui ai reçu cette violence. C’est bien moi qui l’a gardée durant tant d’années. C’est bien à moi de m’en séparer, de m’en libérer, de rendre sa responsabilité à celui qui m’a agressé, en remettant chez lui, ce qui vient de lui…»

Je dois dire que j’ai de nombreux témoignages qui confirment l’efficience d’une telle démarche. Dont celui-ci : « J’ai eu le sentiment de grandir, de prendre enfin ma place dans cette vie, de devenir enfin la femme que je suis… »

Pour certains qui découvrent cette démarche, surgit alors ce que j’appelle la répression imaginaire. C’est à dire le fait de penser à la place de l’autre que si nous faisons cette démarche de restitution symbolique, celui qui reçoit un tel paquet, même assorti d’un mot, ne comprenne pas, soit blessé ou déstabilisé.

Je tente de rappeler alors, que toute relation ayant deux bouts, chacun des protagonistes d’un échange est responsable de son bout. L’un est responsable de ce qu’il a fait, l’autre de ce qu’il a reçu.

Responsable ne veut pas dire coupable, comme on fait l’amalgame trop souvent. Dans un accident d’automobiles l’un dira : « Il est responsable, c’est sa faute, il a grillé le feu rouge… »

Responsable cela veut dire que j’ai à me confronter aux conséquences de ma conduite, de me actes ou des mes comportements. Il y aurait encore beaucoup à dire, car cette démarche s’inscrit dans un ensemble cohérent proposé par la méthode ESPERE qui présente, outre quelques concepts structurants autour de la communication, des outils favorisateurs et des règles d’hygiène relationnelle accessibles à chacun et surtout transmissibles.

Il appartient donc à chacun d’entre nous, quand nous avons été agressé ou violenté, de se responsabiliser vis-à-vis de deux démarches différentes : pardonner ou symboliser.

Je souhaite à chacun de pouvoir faire un choix cohérent sur ce chemin de différence.