Principes et outils de base de la Méthode ESPÈRE®

par Dominique Boussat-Letard, psychanalyste

La Méthode ESPERE® proposée en contrepoint par Jacques Salomé se veut essentiellement pragmatique dans le sens où elle inscrit sa pratique au quotidien de la vie familiale, conjugale, scolaire ou dans le monde de l’entreprise et des rapports socio-économiques.

Elle s’articule autour de concepts de base qui en constituent la pierre angulaire, d’outils communicationnels et de règles d’hygiène relationnelle qui sont autant de balises, pour favoriser des échanges en réciprocité, porteurs de vitalité et de créativité.

Il s’agit bien d’une méthode dans le sens où elle peut s’apprendre, se transmettre et s’auto-évaluer dans ses effets et ses résultats.

La Méthode ESPÈRE® témoigne surtout d’un esprit et d’une éthique de vie. Si elle remet en cause les modes habituels de communication, si elle bouscule la bonne conscience et les leurres de la pseudo-communication courante, elle incite surtout chacun à revoir sa propre façon d’échanger, de partager, de s’approprier, de se confronter ou d’accepter les différences. Elle renvoie ainsi chacun à se confronter à ses croyances, à ses mythologies et certitudes, à ses propres seuils d’intolérance. Elle suppose des exigences et une éthique de vie envers soi-même, plus qu’envers autrui.

L’axe de cette approche se centre sur le postulat que dans toute tentative de communication, nous sommes toujours TROIS : l’Autre, Moi et la relation. C’est grâce à la qualité d’une relation que nous pourrons établir une réelle communication, riche et vivante, en trouvant la bonne distance entre les demandes ou les attentes de l’un et de l’autre et sa propre disponibilité à y répondre.

La pratique de Méthode ESPÈRE® nécessite donc de rechercher et d’accepter la confrontation (à ne pas confondre avec l’affrontement ou l’opposition) et de se positionner clairement pour pouvoir d’abord se dire, puis ensuite se donner les moyens d’être entendu.

Cette capacité d’écoute active et mutuelle passe par plusieurs phases :

  1  Confirmer le point de vue de l’autre qui demande à être reconnu dans ce qu’il dit et au-delà, dans ce qu’il est.

  2  Affirmer son propre, point de vue (je cherche, en réciprocité, à être entendu).

  3  Échanger sur le ressenti, l’imaginaire et les croyances de chacun : je peux témoigner de tous ces points dans une relation vivante de confiance et d’écoute c’est-à-dire dans l’alternance des positions d’influence et dans la mutualité.

  4  Prendre des décisions ou faire des choix personnalisés face aux imprévus de la vie : je peux ainsi m’engager, me désengager ou rechercher d’autres possibles pour en rester là ou pour aller plus loin.

Tous ces positionnements relationnels nécessitent que je puisse accepter certaines règles d’hygiène relationnelle comme par exemple :

  • Parler à l’autre et non sur l’autre.
  • Ne plus laisser l’autre parler sur moi.
  • Conserver une vigilance face aux messages qui me viennent de l’autre, en gardant ceux qui me semblent positifs, porteurs d’une source d’énergie et qui peuvent favoriser la découverte et l’inscription en moi de l’amour de soi.
  • Oser aussi restituer les messages négatifs, de violence ou de disqualification qui ne sont pas bons pour moi quand ils réveillent des blessures anciennes de l’enfance autour de situations telles que l’injustice, l’humiliation ou l’impuissance. Blessures qu’il m’appartient d’apprendre à panser. Accéder au ressenti par l’écoute mutuelle du vécu de chacun.
  • Passer du réactionnel au relationnel, ce qui signifie de ne pas réagir contre l’autre mais rester à l’écoute de soi, en relation avec ce qui est réveillé, restimulé en nous.
  • Accueillir ses émotions et tenter d’en entendre le retentissement en apprenant à s’interroger : «qu’est-ce qui’ est touché en moi ?» Et d’entendre également les émotions de l’autre comme un langage.

Conscientiser que si nous aspirons à établir une meilleure communication, quelle soit intime ou sociale, en famille, à l’école ou dans son travail, il nous faudra accepter que les mots seuls ne sont pas suffisants pour se faire entendre et qu’il est nécessaire de s’aider d’outils relationnels.

Parmi eux :

  • Toute relation ayant deux bouts ou deux extrémités, le mien et celui de l’autre, une écharpe relationnelle peut symboliser le lien, la relation entre deux personnes.
  • Le bâton de parole témoigne du fait que j’ai quelque chose à dire et que je souhaite être entendu, sans être interrompu, pour parler de moi.
  • La visualisation externe consiste à représenter par un objet ce dont je veux parler et permet de ne pas confondre la personne qui parle avec ce dont elle me parle.
  • Les démarches symboliques, sont des tentatives de dépassement et d’ajustement face aux situations inachevées et aux non-dits de notre histoire. La symbolisation s’adresse à l’inconscient de chacun, elle permet d’établir des reliances et donne des énergies nouvelles aux différents protagonistes.
  • L’actualisation permet de différencier la personne actuelle de la personne passée et de ne pas s’enfermer dans les représentations anciennes qui peuvent se révéler caduques aujourd’hui.

La Méthode E.S.P.È.R.E.® a été illustrée par Jacques Salomé dans quelques ouvrages, mais l’ensemble de cette approche est présentée et formalisée pour la première fois dans sa globalité dans un livre «Pour ne plus vivre sur la planète TAIRE» ouvrage paru chez Albin Michel en 1997.

Nous invitons tous ceux qui souhaitent améliorer leur relation à eux-mêmes et à autrui, à se plonger dans ce livre vivant, passionnant, concret et essentiellement didactique.

Toute expérience qui vous devient
véritablement propre,
assez intime pour que vous puissiez prendre appui sur elle, est bonne.

Stanley Cavell

Apprendre à communiquer à partir de la Méthode ESPÈRE® (1)

Quand je témoigne de cette autre façon, si vivifiante, si interpellante et en même temps si dérangeante, de communiquer et d’être en relation avec soi-même et avec autrui, que je pratique depuis maintenant près de 20 ans, j’ai bien le sentiment que pour certains, cela représente une sorte de violence, vis à vis des modèles établis, des habitudes et des croyances inscrites au plus profond.

La Méthode ESPÈRE.®, en effet par ses développements remet implicitement en cause les modes de communications dominants dans le système familial, dans l’école, dans le monde du travail, ainsi que les pratiques relationnelles de la plupart des institutions sociales.

Cette approche heurte des systèmes de valeurs solidement implantés et bouscule surtout la bonne conscience et les leurres de la pseudo-communication.

La Méthode ESPÈRE® s’oppose en fait au Système SAPPE (2) qui domine depuis des générations, qui s’auto-reproduit quasi spontanément avec la collaboration sincère et consternante de chacun de nous.

Elle invite à revoir sa propre façon d’échanger, de partager, de s’approprier, de dominer ou d’accepter les différences et de se confronter à ses propres seuils d’intolérance.

La Méthode ESPÈRE® suppose avant tout une cohérence, une exigence envers soi même plus qu’envers autrui. Elle est en quelque sorte une ascèse pour un mieux communiquer dans le respect de soi et d’autrui.

Il m’arrive bien sûr de dédramatiser par l’humour et par un regard de tendresse le pathétique, la violence et l’emprise terrifiante du Système S.A.P.P.E. sur nos conduites et nos comportements, mais je ne voudrais pas être conduit à affirmer, comme le faisait Coluche il y a dix ans : « Bien sûr je dis des conneries, mais si je n’en disais pas, qui me comprendrait ? »

Ma démarche a quelque chose de grave, en ce sens qu’elle tente d’attirer l’attention sur la nécessité de sortir de l’accusation et de l’auto-accusation pour développer la responsabilisation, l’anti-victimisation et l’affirmation de soi, pour s’opposer ainsi à la violence endémique qui traverse au quotidien la vie de chacun, pour l’inviter à se confronter à autrui dans un face à face plus créateur.

(1) ESPÈRE (Énergie Spécifique Pour une Écologie Relationnelle Essentielle ou à l’École)

(2) SAPPE (Sourd, Aveugle, Pernicieux, Pervers et Énergétivore)

Contexte d’apparition de la Méthode ESPÈRE®

Par Dominique Boussat-Letard, psychanalyste

Le courant de la psychologie humaniste fut initié dans les années 1950 par Carl Rogers, soutenu par des chercheurs tels que Fritz Perls avec la Gestalt ou R. Maslow et plus tard par Eric Berne avec l’analyse transactionnelle ou encore par Milton Erickson et dans son prolongement la PNL [Programmation Neuro Linguistique].

Cette approche qui tentait de prendre en compte la globalité de l’être humain dans ses multiples langages fut validée par tout le travail de l’école de Palo Alto à laquelle Gregory Bateson et surtout Paul Watzlawick donnèrent une dimension à la fois populaire et scientifique.

Par la suite, autour des années 1970, ce courant fut absorbé par la vague du New-Age et confronté à tout l’impact d’un orientalisme découvert ou plutôt redécouvert par quelques maîtres à penser américains qui le fit basculer dans de multiples directions dont certaines vont se révéler positives : sensibilité holistique, travail sur les énergies, découvertes chamaniques mais d’autres sur lesquelles il conviendrait d’émettre des réserves telles que la fuite en avant vers un spiritualisme tout azimut, la référence à des entités extraterrestres, le refuge vers des guides, des anges, ou encore l’idolâtrie de gourous aux intentions moins claires que leurs discours enveloppés d’amour.

Avec la Méthode ESPÈRE® proposée par le psychosociologue Jacques Salomé ; la psychologie humaniste trouva en France et dans les pays francophones, un prolongement digne d’intérêt à travers une approche novatrice et dynamique dans le domaine des relations humaines dont les prémices remontent aux années 1980.

Jacques Salomé fut l’un des premiers formateurs à s’intéresser de près aux mécanismes habituels de la communication au quotidien dans ses rapports avec le développement de la personne

Il fut l’un des premiers à démystifier le système qu’il dénonce comme anti-relationnel, qui domine depuis des générations dans la vie familiale, sociale, universitaire ou dans le monde du travail, il réunit sous le sigle SAPPE. les principales caractéristiques de ce système à base d’injonctions, de menaces directes ou indirectes, de dévalorisations, de disqualifications ou de culpabilisations, visant au maintien des rapports de force dominants-dominés.

Ce système pernicieux favorise essentiellement le développement de messages négatifs, toxiques et destructeurs, empêchant ou freinant l’établissement entre les protagonistes d’une rencontre ou d’un échange, de relations vivantes, de partages créatifs et de communication en santé.

Une relation en santé suppose une alternance des positions d’influences, le possible d’une réciprocité, l’amplification de la vivance, de l’énergie et de l’amour de soi chez chacun des protagonistes.

Le Système SAPPE. entretient le plus souvent des rapports d’aliénation, de dépendance, d’asservissement ou de servitude, d’hétéro et d’auto violences sur le mode de la victimisation. Il entraîne tout un système de compensations, d’hémorragies énergétiques, de maltraitance, de non respect de soi et de violences implicites à base de soumission ou d’opposition dans la relation à l’autre.

À long terme, les effets du Système SAPPE. sont d’autant plus terrifiants, et dévastateurs, qu’ils sont générés et entretenus avec une sincérité et une bonne foi affligeantes quand ce n’est pas avec une ténacité complice. Ils se développent en effet avec la collaboration des milieux familiaux, scolaires, universitaires et socio-économiques. Sa pratique spontanée et auto entretenue accentue la non confiance en soi, irrigue les sentiments de doute, nourrit les états de dépendance, programme en quelque sorte une infantilisation des rapports humains et donc de l’ambivalence. Il collabore également à l’entretien d’attitudes réactionnelles essentiellement énergétivores et aussi à l’expression de violences verbales ou physiques et d’auto violences sous forme de somatisations ou de passages à l’acte somatiques. Il contribue enfin, au non amour de soi, ce qui diminue considérablement la capacité d’aimer autrui et fragilise vraisemblablement les défenses immunitaires.