Il y a en chacun de nous, parfois de façon visible et d’autre fois plus profondément enfouie sous les peurs et les interdits, une aspiration au mieux être, une tentation au bien être.

Être bien avec soi même, en accord avec ses potentialité, en correspondance avec son environnement, en paix avec autrui, en harmonie avec l’univers, est une sensation rare et cependant plus accessible qu’il n’y parait au premier abord.

Comme enfant, notre bien être dépend pour l’essentiel de notre entourage et du pouvoir de notre imaginaire.

Devenu adulte, le bien être relève de notre responsabilité pleine et entière, en renonçant tout d’abord à la victimisation et à la mise en dépendance. Il appartient donc à chacun de se donner les moyens de se réconcilier avec le meilleur de ses possibles en acceptant de devenir un bon compagnon pour soi.

Le bien être ne résulte pas d’une simple intention ou désir, il est sous tendu par plusieurs démarches qu’il me parait important de rappeler.

  • Développer la capacité à être présent au présent. Cela veut dire de ne pas se laisser envahir par son passé ou par les situations inachevées de son histoire. Cela veut dire aussi de ne pas fuir dans le futur soit en l’idéalisant soit en remettant à demain ce qu’il est possible de vivre aujourd’hui.
  • Accepter de s’aimer en cultivant respect, bienveillance et tendresse à l’égard des différentes composantes de sa personnalité et surtout de son corps. Ce faisant nous inscrivons en nous un ancrage de fiabilité et de confiance pour agrandir la vivance de notre vie.
  • Apprendre à découvrir et à cultiver la beauté partout où elle peut s’épanouir. Et déjà aller à sa rencontre en prenant le temps de la reconnaître dans ses manifestations les plus infimes. La beauté a de multiples visages et surtout une incroyable créativité pour se dire.
  • Se donner les moyens d’apprendre à mieux communiquer. Avec soi même et avec autrui. Avoir des relations vivantes et en santé suppose de s’appuyer sur 5 modalités de base :
  1. Oser demander en prenant le risque que la réponse de l’autre ne corresponde pas à nos attentes.
  2. Oser recevoir les messages cadeaux qui nous viennent d’autrui, pour les amplifier ou simplement les adapter à nos possibles.
  3. Oser restituer les messages négatifs qui nous viennent parfois de l’autre, en se positionnant clairement, en trouvant la bonne distance ou même en renonçant à poursuivre des relations qui peuvent se révéler toxiques pour nous.
  4. Oser donner gratuitement, sans ambiguïté, sans mettre l’autre en dépendance ou en dette.
  5. Oser refuser, c’est à dire prendre le risque de faire de la peine ou de décevoir, en se positionnant, en se confrontant par un non d’affirmation, face à une demande ou une invitation de l’autre, qui ne correspond pas à nos valeurs, à notre disponibilité ou qui touche à notre seuil de tolérance.
  • Pouvoir s’appuyer sur des proches et des amis suffisamment stables et solides pour nous aider à résister aux péripéties et aux avatars de notre propre évolution.
  • Prendre soin de son corps et de sa santé. Avec une alimentation qui corresponde aux besoins de votre organisme et une hygiène de vie qui respecte votre rythme et vos ressources. Cultiver des temps de méditation, de centration et de plaisir à être.

En fait, la clé principale du bien être me semble résider dans notre capacité à ne pas se laisser définir par autrui, à ne pas cultiver la dépendance, à ne pas se laisser polluer par les tentatives de culpabilisation des proches ou de ceux qui prétendent nous aimer et qui au nom de "leur amour" voudraient nous faire entrer dans leurs désirs, leurs peurs ou leurs projets.

Nous les savons aussi, le bien être personnel s’enracine, s’appuie et s’amplifie non seulement dans l’intime de soi, mais il a besoin de rayonner, de trouver un écho d’une part dans l’environnement proche, mais aussi une correspondance avec tout ce qui participe à la vie de la planète.

Le bien être s’épanouit dans la convivialité, dans la résonance avec le bien être d’autrui. Mais encore faut-il souligner, sans amertume ou culpabilité, avec lucidité, humour et beaucoup de tendresse que le bien être personnel reste une oasis dans un désert d’incommunication, une île dans un océan d’injustices et de guerres, une fleur dans un champ de violences et d’intolérances, une graine d’espoir à semer face à l’avidité du consumérisme et de l’individualisme dominant.


Charte de bien-être avec soi-même  

Par Jacques Salomé

  1. Je peux découvrir à tout âge que je suis partie-prenante et co-auteur de tout ce qui m’arrive.
  2. Je peux n’entretenir ni accusation sur l’autre, ni auto-accusation de moi-même pour tout ce qui surgit dans ma vie.
  3. S’il me vient de l’autre, des autres, de l’environnement un événement, une parole ou un acte qui me fait violence, je peux nommer mon ressenti et remettre chez l’autre ce qui me vient de lui, quand ce n’est pas bon pour moi.
  4. Quand me vient de l’autre, des autres ou de l’environnement, un événement, un acte ou une parole que je peux accueillir comme un cadeau ou une gratification, il m’appartient de le recevoir et de lui donner un prolongement en moi. Ma liberté intérieure en sera d’autant plus agrandie, mes ressources confortées et mes énergies amplifiées. Ma responsabilité en sera de rayonner et de contribuer ainsi à nourrir de plus d’amour, l’espace de ma vie.
  5. Chaque fois que je prends le risque de me positionner, de m’affirmer en me respectant, je prends aussi le risque de me différencier.
  6. En faisant des demandes directes et ouvertes j’accepte aussi de ne pas contrôler la réponse de l’autre. Je prends donc le risque et la liberté d’accueillir cette réponse qu’elle soit positive ou négative.
  7. En passant du réactionnel au relationnel j’agrandis les possibles de l’échange.
  8. En m’appuyant sur quelques outils susceptibles de favoriser la communication (écharpe, visualisation, symbolisation) et en appliquant quelques règles d’hygiène relationnelle je me rends plus cohérent, plus consistant pour développer les relations créatives.
  9. J’agrandis et développe mon autonomie et ma liberté chaque fois que j’apprends à prendre soin de mes besoins, de mes désirs ou de mes sentiments sans les faire peser sur l’autre.
  10. Quand je ne confonds plus culpabilité, culpabilisation, (venant de l’autre) et auto-culpabilisation, j’inscris un meilleur ancrage dans la réalité et propose aussi une référence moins projective à l’autre.
  11. Ma capacité à rester centré, dépendra de ma rigueur à ne pas me laisser polluer par des relations énergétivores et aussi de mon ouverture à accueillir les relations énergétiphiles.
  12. Si j’accepte de découvrir que tout changement personnel a un prix à payer en termes d’exigences, de rigueurs, de renoncements, de distanciations ou de ruptures possibles, je vais me relier plus profondément au divin qui est en moi et confirmer la dimension spirituelle qui m’habite.

La beauté est partout  

Par Jacques Salomé

Quand je dis à mes enfants dans un élan d’enthousiasme « prenez du temps, regardez autour de vous, utilisez tous vos sens, laissez s’approcher de vous le beau qui vous entoure, ne le laissez pas se perdre ou se blesser, protégez-le dans ses plus petites manifestations… La beauté est partout dans le monde, sur toute chose, dans chaque personne… » Ils me regardent en souriant gentiment comme si j’énonçais un vœu pieux, ou alors ils se récrient, se scandalisent. Ils me disent que je suis aveugle, sourd, que je ne vois pas toute la misère, les malheurs, les laideurs qui m’entourent, que je n’entends pas les misères, les souffrances, les violences qui se vivent. Que, même si la beauté est en survie dans le monde d’aujourd’hui, il y a quand même d’autres priorités !

Je maintiens ma position, la beauté est partout. Parfois minuscule ou infime, éphémère et fugitive, mais toujours présente dans les clins d’œil de la vie, les interstices du temps, les plis secrets de l’espace. Quelle est la source, l’origine de la beauté ? Est-ce dans la bienveillance d’un Etre Suprême ou celle des rencontres du hasard ? Est -ce dans le génie de l’artiste qui a su créer une œuvre ? Est-ce dans l’harmonie d’un objet, l’équilibre d’un moment, ou est-ce dans le regard qui sait capter l’harmonie, l’équilibre, la vérité d’un instant, d’un être, d’un objet ?

La source de la beauté, ai-je tendance à penser, est dans la disponibilité, l’ouverture, l’accueil à recevoir les cadeaux de la vie. C’est par mon regard que je crée et que je garde en vie, même si ce n’est que quelques secondes les particules de beauté, poussières de lumière déposées sur toute chose.

La beauté a besoin pour éclore, pour se dégager des scories ou des oripeaux qui la cachent de la tendresse, de la générosité de notre regard et de l’appel de notre cœur.

Je ne sais si ma mère était belle, ce que je sais c’est que je la voyais belle, très belle, lumineuse. Ma mère ne savait pas rire, « je n’ai pas le temps », disait elle. Mais elle savait sourire et j’ai tenté de capter, de préserver l’un ou l’autre de ses sourires sur des photos. J’en ai une devant moi, elle avait déjà près de 70 ans, elle avait quitté le tablier qu’elle mettait pour faire le ménage, mais avait voulu garder ses lunettes « pour mieux me voir la photographiant ! » Elle sourit. Elle sourit de toute sa bonté, les mains sagement croisées sur son ventre. Heureuse de me faire plaisir, heureuse d’être heureuse de répondre à une de mes demandes. Elle me reprochait souvent de « ne pas lui faire assez de demandes ! » à elle qui avait tant à donner. Elle est belle, présente de toute sa beauté de vieille dame paisible, ayant réussi à traverser près de trois quarts d’un siècle redoutable, parsemé de violences et de guerres. Elle est morte quelques années plus tard, mais je garde d’elle ses sourires, la lumière de son regard, le ruisseau bleu d’une veine qui barrait son front et battait doucement quand elle était émue. Là où un autre aurait vu une dame insignifiante, fatiguée, vêtue d’une robe sans grâce, je voyais une reine splendide, couronnée de neige.

Il faut aussi parfois débusquer la beauté des pudeurs dont elle s’entoure et ne pas lui faire violence par un dévoilement trop brusque, trop brutal.

Il m’a fallu du temps pour naître à la beauté. J’ai eu pendant longtemps un regard de consommateur, doublé d’un prédateur, je veux dire par là que je survolais les choses sans les voir réellement, que je ne m’attardais sur certaines, uniquement en fonction de leur intérêt immédiat pour mes projets ou l’action dans laquelle j’étais engagé. Je ne savais pas voir.

Depuis j’ai un peu appris, un tout petit peu.


Le courage d’être soi  

Par Jacques Salomé

Le courage d’être soi ne se transmet pas par les gênes, pas plus qu’il ne nous est donné ou offert à la naissance par quelques bonnes fées ou devins qui se serait penchés sur notre berceau pour y déposer ce qui est souvent considéré comme une vertu.

Le courage d’être soi ne s’acquiert pas à partir de faits d’armes ou d’actes héroïques sur des champs de bataille ou dans des combats pour vaincre un ennemi, il se découvre et se développe à partir d’une confrontation et d’un dépassement de soi même. Il ne vise pas à vaincre ou à convaincre, mais à croître, à permettre un grandissement de l’intérieur Il va naître d’une lutte contre nos conditionnements et habitudes, d’une plongée dans nos zones d’ombre et surtout d’une confrontation avec nos culpabilités, avec la peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir aimer ou de mal aimer.

Le courage d’être soi est une conquête qui doit se confirmer chaque jour, il est l’aboutissement d’un cheminement semé de découvertes et de déceptions, d’enthousiasme et d’obstacles. Il s’appuie sur le dépassement d’un certain nombre de leurres et de croyances erronées.

« Je ne savais pas que j’entretenais en moi beaucoup d’interdits et d’auto-privations dans une dynamique de sacrifices et de renoncements, car je voulais en aucun cas me mettre en avant par rapport à mon frère, qui avait des difficultés, et que mes parents sur-protégeaient »…

Le courage d’être soi va se révéler à nous au travers d’une succession d’épreuves. Il devra se nourrir à des racines autour de la confiance en soi, du respect de l’ex-enfant qui est en nous, de la responsabilisation pour l’adulte que nous sommes devenus.

Et pour cela nécessiter un nettoyage de la tuyauterie relationnelle avec notre passé, un lâcher prise sur les ressentiments, les regrets, les amertumes ou les accusations sur les personnages clés de notre histoire. « Le jour où j’ai pris conscience que j’exigeais, avec beaucoup de violence, de ma mère qu’elle soit une adulte responsable, cohérente, aimante, alors qu’elle a été toute sa vie une petite fille fragile, insécure, qui cherchait toujours la mère qu’elle avait perdue à cinq ans, j’ai pu enfin prendre en charge mes propres besoins, au lieu de reproduire le même schéma et arrêter de me vivre, moi qui avait théoriquement une mère, comme une petite fille abandonnée… »

Le courage d’être soi suppose d’aller au-delà des loyautés invisibles, des fidélités qui nous enferment pour accepter d’oser sa propre vie, sans se sentir coupable de la vivre à temps plein.

Trouver la bonne distance dans une relation proche, se définir et surtout refuser de se laisser définir par nos proches, ceux qui prétendent nous aimer et qui voudraient trop souvent nous mettre au service de leurs besoins et désirs, cela suppose de prendre le risque de faire de la peine, d’être mal jugé, d’être perçu comme égoïste ou sans cœur. « Il m’a fallu beaucoup de courage pour quitter mon mari que je n’aimais plus, que je ressentais comme un étranger, avec lequel je ne partageais plus rien depuis des années, ni sur le plan physique, ni sur le plan relationnel et rien surtout sur le plan émotionnel, vibratoire qui aurait dû nourrir un mouvement, un abandon vers lui. Je me vivais comme mauvaise, d’envisager une séparation avec un homme, à qui je n’avais rien à reprocher, mais n’éveillait plus rien en moi ! » Le courage auquel fait référence cette femme est celui de pouvoir se regarder en face, sans se disqualifier et d’assumer son propre changement, les mutations de ses sentiments, la découverte de nouveaux besoins, l’acceptation du respect de soi.

Le courage d’être soi va s’imposer parfois à nous comme une nécessité, celle de sortir de la survie, pour naître enfin à la vie.


Paroles de femme à l’automne d’une vie

Par Jacques Salomé

« Je suis à la retraite et pour la première fois de ma vie, je ressens chaque jour comme une libération. Pour la première fois de toute ma vie, je suis libre de choisir, enfin seule, seule à décider ce qui est bon ou moins bon pour moi.

Chaque minute m’appartient, je n’ai à en rendre compte à personne. Et ce que je possède est bien à moi, même si mes moyens sont limités, depuis le départ de mon mari.

J’éprouve tout au fond de moi, tout à fleur de moi, un sentiment de liberté extraordinaire, comme si enfin je ne devais rien à personne. J’ai toujours vécu dans la dette, le sentiment de devoir, jamais à l’aise à l’idée que je pouvais me faire plaisir.

Aujourd’hui je suis devenue la personne au monde la plus importante pour moi, et comme l’affirme un dont je ne sais plus le nom, dans “Comment être un meilleur compagnon pour soi-même” j’ai la fantastique sensation que ma vie commence chaque matin, que j’ai tout mon avenir plein de possibles devant moi.

La chose la plus extraordinaire qui m’arrive, c’est la modification de mon rapport au temps. Jusqu’à maintenant il me semblait que je n’étais pas prioritaire dans l’usage de mon temps et de mon énergie. Que j’étais seulement détentrice d’un dépôt, celui de ma disponibilité aux autres, usufruitière au service de mes proches, locataire d’un espace de vie qui ne m’appartenait pas en propre.

Maintenant, c’est vrai je me sens riche, propriétaire à plein temps de mon temps, de mes ressources. Je me vis comme étant prioritaire dans leurs bénéfices et leurs bienfaits. Chaque seconde devient précieuse, délicieuse à vivre.

Cela m’a donné une incroyable assurance et je l’avoue, une sécurité intérieure que je n’ai jamais eue. Pour l’instant, je tâtonne encore un peu, devant cette abondance, j’expérimente. Parfois anarchiquement, voluptueusement je me plonge dans cette vertigineuse liberté, dans ses moindres miettes, je ne perds rien.

Lire par exemple, liberté inouïe de l’esprit, de l’imaginaire, agrandissement du temps et de l’espace, bonheur entier, plein, ouvert.

Oh je sais aussi que je m’achemine ainsi vers un ordre, une organisation, vers une sagesse et vers des exigences librement choisies.

L’essentiel est vraiment à l’intérieur. Aussi je range, je jette, je donne, je me dépouille de tant de superflus, de tant d’objets périmés et de souvenirs dépassés. Je fais le ménage, non seulement dans ma maison, mais aussi dans mon histoire.

Je garde le meilleur, je jette tout ce qui n’a pas été bon pour moi, je passe un contrat de bien être avec, je me réconcilie avec mon enfance difficile et je pardonne beaucoup à mon passé, c’est-à-dire à moi-même !

Je m’apprivoise à l’idée d’écrire, chaque jour, comme une ascèse, il y a en moi tant de projets d’écriture portés au creux de mon ventre, depuis tant d’années. Je vous envoie en premier ce texte, à vous qui avez tant écrit pour les femmes.

La retraite ! Quelle mise en liberté de créativité !

Rien ne me fait plus peur, rien ne me paraît impossible, la vie vivante quoi ! ».

Ainsi je reçois au courrier cette longue lettre, dont j’offre ici l’essentiel, dont je retiens le meilleur, dont je garde tout le soyeux et le tendre qui perlaient de chaque mot, pour m’apprivoiser moi aussi à l’idée d’une retraite proche.


Pourquoi une conférence ?  

Par Jacques Salomé

Parmi toutes les sollicitations que nous avons, pour sortir, nous détendre, nous cultiver au besoin, aérer ou stimuler nos neurones, les conférences sont un des moyens parmi les plus appréciés, par tous ceux qui pensent qu’il est important de ne pas se rouiller et de continuer à s’actualiser.

Une conférence est un double acte de confiance.

Chez celui qui décide d’aller écouter un conférencier. Chez celui ou celle qui après une journée de travail, après avoir couché ou confié les enfants, décide de sortir pour aller écouter un type, tout seul à son pupitre, devant un micro, qui va parler avec ou sans notes, durant 75 ou 90 minutes d’un sujet qui semble lui tenir à cœur et sur lequel il est censé avoir suffisamment réfléchi pour apporter quelque chose de nouveau ou de neuf.

Chez le conférencier, qui prend le risque de partager avec des inconnus un thème, des interrogations, des découvertes qui ont mobilisé ses énergies parfois depuis des années.

Pour ce dernier et quelquefois pour ceux qui écoutent, une conférence est semblable à un accouchement, une mise au monde non pas uniquement d’idées mais d’un ressenti, d’un retentissement qui parfois va plus loin que les mots, qui rejoint celui qui parle et ceux qui écoutent dans une sorte de communion informelle.

J’ai décidé ce soir-là (Avignon - Salle Benoît XII - 12 bis rue des Teinturiers, le lundi 19 avril à 20 h30), de parler de la difficulté à s’aimer, à se respecter, à être un bon compagnon pour soi même. De montrer combien, amour de soi, et, amour de l’autre, sont interdépendants. De montrer l’importance de pouvoir s’estimer et de se faire confiance, deux ressources qui sont des enjeux essentiels pour une mise en commun dans le couple, dans la famille, à l’école, dans le monde du travail. Je me propose de démystifier quelques-uns des pièges, des impasses dans lesquels trop souvent nous nous enfermons, non seulement avec les autres, mais surtout avec les proches, avec ceux que nous aimons. Combien nous pratiquons trop souvent la répression imaginaire en nous interdisant d’oser le meilleur de nous. Dans une conférence j’ai le souci de ne pas rester dans l’affirmation d’un constat, de ne pas m’enfermer dans la critique ou de rester dans la dénonciation. Il me paraît important d’aller au-delà, de poser des balises (points de repères fixes qui ne vous disent pas qu’il faut aller là bas ou ailleurs, mais qui vous indiquent que si vous avez l’intention d’aller à tel endroit, il y tant de kilomètres et que c’est plutôt dans cette direction !

Dans mes propos, autour de quelques clés pour s’ouvrir à une Écologie du cœur, pour dynamiser nos relations intimes et sociales, pour faire qu’elles soient plus vivifiantes et plus respectueuses des besoins relationnels de chacun, que ce soit dans la relation à soi ou aux autres, j’ai le désir de faire des propositions concrètes pour développer et agrandir chez chacun une capacité de plus en plus grande à s’aimer, à se respecter, à se confronter avec autrui dans ses différences, à positiver les rencontres et les échanges qui nourrissent notre quotidien.

Je voudrais pouvoir témoigner de mon propre cheminement, sans le présenter comme un modèle, mais comme faisant partie de ma réalité, parler de mes errances, partager mon espérance qu’un jour on enseignera la communication non-violente à l’école comme une matière à part entière, au même titre que l’histoire, la géographie, le calcul ou le français et qu’ainsi on apprendra à nos enfants à mieux s’aimer, c’est-à-dire à se faire confiance, à construire une estime de soi qui leur permettra de vivre et d’améliorer le monde qui sera le leur !

Une conférence, ce n’est pas seulement pour l’un parler ou discourir, et écouter et entendre pour les autres, c’est établir un contact avec des centaines de regards, créer un espace de vibrations, susciter une multi-écoute entre ce qui est dit et ce qui est entendu, entre ce qui est reçu et ce qui retentit, entre nos croyances et nos convictions avec la possibilité de remettre en cause quelques unes des nos croyances et certitudes.

Une conférence c’est aussi la possibilité pour certains d’oser leur parole, de lancer leur questionnement devant une masse d’inconnus, de confronter leur propre compréhension à celle des autres et d’affirmer des positions pour confirmer la confiance, l’estime et l’amour de soi dont ils sont porteurs.


Se mettre en chemin  

Par Jacques Salomé

J’ai souvent pensé que la vie n’était qu’une succession de naissances, faite de rencontres et de séparations, de cadeaux et de pertes, de changements et de fidélités profondes. S’ouvrir au changement est un mouvement qui surgit le plus souvent dans la vie d’une femme ou d’un homme, à la suite d’une crise, d’un événement grave comme l’irruption d’une maladie, la violence d’un accident, le désespoir d’une séparation ou la perte d’un être cher ou vital.

Comme si soudain la vie, qui jusqu’alors ronronnait, ou semblait en veilleuse en nous, se révélait avide d’exister plus, exigeait de se manifester, de prendre enfin toute sa place. Quelque chose soudain semble nous réconcilier avec elle, nous dit que nous devons être plus proche d’elle, nous invite à faire alliance avec son énergie, à nous relier davantage à ses sources… Nous sentons l’urgence de commencer à s’aventurer sur un chemin de transformation. Et cela peut se déclencher à tout âge, quels que soient nos engagements, notre statut social, nos responsabilités.

Cela commence souvent quand nous découvrons, et c’est le cas de beaucoup de femmes, que nous avons vécu pour les autres, que nous nous sommes dévouées, sacrifiées et même parfois aliénées pour un homme, pour un rêve de vie qu’il était censé nous offrir, pour des enfants qui déjà nous quittent ! Quand nous rencontrons cette évidence, que la personne avec laquelle nous passons l’essentiel de notre vie, c’est nous-mêmes et que cette personne nous ne l’avons pas respectée dans ses besoins profonds et qu’elle est toute au fond d’elle en détresse, en attente d’un miracle.

Et quand nous entrons sur ce chemin, nous ne savons pas au départ jusqu’où il nous conduira. Car en matière de changement personnel ce n’est pas l’objectif (ni les buts que l’on se fixe) qui est le plus important, c’est ce que l’on va découvrir tout au long du chemin. Les motivations de départ sont multiples : mieux se respecter, être plus près des choix de vie qui sont en accord avec l’homme ou la femme que l’on est devenu, arrêter de se laisser définir et sortir d’une dépendance matérielle, affective ou autre, retrouver un centre d’intérêt que l’on avait mis de coté, une passion pour telle ou telle activité… Bref, découvrir avec stupeur que l’on n’a plus envie de vivre, de cohabiter, non pas tant avec son ou sa partenaire habituelle, mais surtout avec la femme ou l’homme que nous sommes devenus. J’ai souvent entendu des femmes dire « j’ai découvert que je ne riais plus, moi qui était si joyeuse, que je ne dansais plus alors que j’adorais la danse, que je ne jouais plus du piano alors que j’étais excellente musicienne… »

Pour la plupart d’entre nous, nous avons besoin d’un point d’appui, d’une référence dans le foisonnement des démarches proposées, par ce que j’appelle le marché de l’intimité: psychothérapies, travail sur soi, formations aux relations humaines, engagement dans un groupe de recherche religieuse ou pratique d’une approche corporelle ou spiritualiste… Nous ne voulons pas nous égarer, nous tromper, entrer dans la dépendance d’un gourou ou d’un maître à penser, ce qui ne ferait que déplacer le problème. Nous voulons apprendre à mieux vivre en notre propre compagnie, mieux nous respecter, accéder au meilleur de nous-mêmes.

Ainsi sur ce chemin qui s’ouvre, chacun sera confronté au risque de se découvrir, de se rencontrer et peut être de s’aimer avec plus de bienveillance et de respect, pour rencontrer le meilleur de l’autre et des possibles de la vie.


Le plus extraordinaire des désirs…  

Par Jacques Salomé

Quand elle était petite la dernière de mes filles me demandait de lui raconter des histoires. Je demandais : « tu veux une histoire vraie ou une histoire inventée ? » Elle répondait toujours « une vraie histoire inventée ! » Ceci est une vraie histoire inventée.

Il fait soleil, le temps est doux, la vie balance entre été et automne, un homme dans la maturité de son âge est en train de marcher le long de la Garonne et soudain il trébuche sur une vieille lampe, toute rouillée… Dans un premier temps il esquisse un geste de footballeur professionnel et tente de donner un coup et de marquer un but entre deux arbres, mais il se rappelle qu’il n’est pas le roi Pelé et il se baisse pour ramasser ce qui lui semble être une vieille boîte.

Après l’avoir examinée, cela lui rappelle soudain un très vieux souvenir, un conte de son enfance. Alors avec un pan de son blouson, il essuie la terre qui ternit le métal, il frotte la boîte pour la faire briller, et comme prévu, un génie en sort. Un génie qui n’a pas l’air ravi du tout et qui lui dit avant même qu’il n’ait le temps de s’étonner de cette apparition incroyable.

- Ok, ok. T’es content ? Tu m’as libéré de la lampe et patati et patata… Mais tu sais, comme c’est la quatrième fois ce mois-ci, je commence en avoir ras-le-bol. Je vais te le dire sans fioriture, je ne supporte plus ceux qui veulent m’aider sans avoir jamais rien compris à un miracle !!! Il ne suffit pas de demander un miracle, encore faut-il savoir le vivre quand il arrive !

Alors tu peux oublier les trois vœux habituels car je ne t’en accorde qu’un ! Un seul vœu, tu entends et ce sera tout. Alors réfléchi bien avant de me demander quelque chose.

L’homme s’assoit sur un banc accueillant, le dos au vent, le visage face au ciel bleu et pense longuement…

Au bout d’un moment, il se décide et demande :

- J’ai toujours rêvé d’un voyage à Tahiti, mais j’ai peur de l’avion et j’ai le mal de mer. Pouvez-vous me construire un pont de Montréal jusqu’à Tahiti pour que je puisse m’y rendre en voiture, avec ma femme et mes enfants ? Je pense même pouvoir emmener mon chien, cela ne lui fera pas de mal de voir un coin du paradis. Voilà mon vœu pour aujourd’hui !

Le génie baisse la tête, ne dit rien pendant quelques secondes, puis éclate de rire :

  - Toi, alors, tu ne doutes de rien. Ton vœu est impossible ! Pense à tout ce qu’il faudrait utiliser pour soutenir un tel pont, pense au béton qu’il sera nécessaire de couler, aux tonnes d’acier, aux centaines de milliers de personnes, aux autorisations de uns et des autres… Non, demande-moi autre chose, ton désir est trop compliqué !

L’homme, change de position, se met face au vent, le dos au soleil, essuie ses lunettes, se remet à réfléchir. Au bout de quelques minutes il exprime un nouveau vœu.

- J’ai été marié et j’ai divorcé 4 fois. Mes femmes m’ont toujours dit que je ne m’intéressais pas à elles et que j’étais insensible, que je ne savais pas leur parler et encore moins les écouter. Alors je désire… comprendre les femmes… savoir ce qu’elles ressentent et ce qu’elles pensent lorsqu’elles sont silencieuses… savoir pourquoi elles pleurent, ce qu’elles veulent vraiment dire lorsqu’elles disent non et surtout je veux pouvoir les rendre heureuses, ne plus en faire souffrir aucune !

Le génie qui devenait de plus en plus soucieux à l’énoncer de ce nouveau vœu lui demande alors :

  - Le pont vers Tahiti, tu le voudrais avec 2 ou 4 voies ?

Et même si je sais qu’il est des désirs qui doivent rester parfois à l’état de désir, c’est quand même bon d’avoir des désirs impossibles.


Commencer une démarche de changement personnel…  

Par Jacques Salomé

Changer oui, mais dans quelle direction ? En vue de quoi ?

Et comment, à partir de quelles démarches, de quels supports ou de quelle aide ? Autant de questions qui traversent l’imaginaire de ceux qui ne s’acceptent plus tels qu’ils sont ou qui entrevoient une autre façon de se relier aux autres et au meilleur d’eux-mêmes.

À un moment ou un autre, il se produit, dans toute existence humaine, un décalage de plus en plus manifeste entre nos attentes et les réponses de l’entourage, entre les moyens et les ressources que nous nous reconnaissons et les responsabilités qu’on nous permet d’exercer, entre nos aspirations profondes et le mode de vie ou les contraintes que nous nous sommes données ! Il se produit un hiatus de plus en plus visible entre ce que nous vivons et ce que nous ressentons, éprouvons, rêvons… Un des moteurs du changement personnel est la rencontre avec une crise. Que ce soit à la suite d’une rupture, de la perte d’un proche (parents, époux(se), d’un enfant), ou encore d’un déracinement professionnel ou de l’arrivée d’une maladie grave qui pèse sur notre corps et sur nos relations. Ce peut être aussi la rencontre avec quelqu’un qui témoigne de sa propre évolution après une psychothérapie, une démarche de formation ou de développement personnel ou plus simplement encore à partir d’une lecture.

Alors des interrogations nouvelles se mettent en marche, des prises de conscience se font, une recherche et des démarches d’informations commencent. Parfois l’élément déclencheur peut être une anticipation de la crise. Quand la personne ne s’accepte plus dans ce qu’elle est devenue, quand elle éprouve le sentiment de ne pas se respecter, quand elle ne voit plus que le fossé, la faille créée entre elle et ses proches, avec le sentiment angoissant, que tout cela ne peut conduire qu’à une séparation, à la fuite, à la rupture... ou à une momification, une stérilisation de sa vie.

Je crois pour ma part, que l’invitation d’un proche ne suffit pas pour commencer à se former ou à envisager un travail sur soi en vue d’un changement Il est fréquent de rencontrer des amis en cours de thérapie ou de formation, dont le témoignage passionné nous fait rêver et qui nous suggèrent de commencer quelque chose ! Ceux qui sont déjà engagés dans un processus de changement sont souvent intarissables, “louangeux”, et tellement désireux de transmettre leurs découvertes, sans état d’âme au regard du prosélytisme, parfois un peu excessif, qu’ils proposent (ou imposent même) envers l’approche qu’ils ont choisie, et avec laquelle ils nous affirment qu’ils ont découvert la lune, le bonheur, un sens nouveau à leur vie ou la réponse à leur angoisse et la solution à tous leur problème. Bref le début d’une ère de paix avec eux-mêmes et avec l’univers !

Je crois que, pour entreprendre une démarche de changement, à partir d’un travail sur soi, à partir d’une démarche thérapeutique, d’éveil ou de formations, il faut au départ, d’une certaine façon, un état d’inquiétude, de malaise et parfois de souffrance, un état de manque, une aspiration à vivre autrement ou autre chose que son vécu actuel. Le paradoxe de toutes les démarches de changement, c’est qu’elles vont dans un premier temps commencer à fragiliser, à déstabiliser une personne, déjà en état de vulnérabilité par des interpellations multiples, autour d’une remise en cause de ses positions de vie, des rôles et des engagements personnels et professionnels. Tout cela suscitera bien sûr des malentendus, des réajustements et surtout des résistances, avec des régressions ou des stagnations, mais aussi des envols, des dépassements, des révélations étonnantes et des changements d’états de conscience qui vont se révéler extraordinaires.

Il conviendra ensuite d’inscrire, de transcrire ou de traduire, tout cela dans la vie, au quotidien. Car, ce qui se passe dans les groupes, ce qui se vit en situation, dans ces laboratoires que sont les stages et les séminaires de formation ou de développement personnel est quelque chose de très particulier, d’unique. Il y a un climat de respect, une écoute particulière, des stimulations, la présence (en général bienveillante et compétente le plus souvent) d’un animateur. Il y a une ardeur et une ferveur particulière qui circulent entre les membres, des énergies nouvelles, qui semblent ouvrir les sensibilités, libérer les obstacles ou faire reculer les limites.

Le retour dans le milieu d’origine, dans le monde du travail va décaper tout cela, le confronter à des zones d’ombre et à des réticences ouvertes ou larvées. Surtout celles des proches, de ceux dont nous attendons justement, accueil, compréhension, partage possible et qui vont se révéler trop souvent critiques, réticents, disqualifiants pour la démarche, la méthode, l’animateur(trice). Ils brandissent les dangers du décervelage, d’une manipulation possible avec le risque de se perdre dans “une secte” ou plus simplement de se faire “avoir financièrement” car “quand même ces stages ce n’est pas donné, il perd pas son temps l’animateur…” et bien d’autres commentaires négatifs.

Il y a trois grandes directions possibles au changement : d’une part, une remise en cause et un recadrage avec son passé ouvrant sur une réconciliation possible avec son histoire familiale, d’autre part une ouverture de ses potentialités, une découvertes de ressources nouvelles, un assainissement de ses relations les plus significatives. Il y a aussi une relation nouvelle à l’avenir, avec des nouveaux choix de vie, des renoncements et des engagements différents.

Changer, c’est commencer une révolution, dont les impacts demeurent toujours imprévisibles. C’est ouvrir la porte à des aspects de nous qui sommeillaient, et qui vont s’exprimer, parfois sans ménagements, provoquant, outre notre étonnement, un appel de vie nouveau.


Travail sur soi et recherche spirituelle  

Par Jacques Salomé

De plus en plus de femmes et d’hommes, à la suite le plus souvent d’un événement déclencheur, vont s’engager dans un travail sur soi et souvent aussi dans une recherche pour approfondir leur spiritualité ou pour se réconcilier avec la dimension spirituelle qu’ils pressentent (ou qu’ils ont négligée) dans leur être.

Le support déclencheur sera la plupart du temps lié à un incident, à un événement qui provoque une crise, qui déstabilise ou bouleverse une quiétude, un équilibre acquis. Il peut s’agir de l’irruption d’une maladie, d’une rupture conjugale, de la perte d’un être proche, d’un accident, ou plus simplement d’une lecture ou d’une rencontre structurante avec une personne perçue comme porteuse de sagesse ou d’enseignement.

Ce sera l’impact de cet événement qui va s’inscrire comme une expérience intime d’éveil, jouer le rôle de révélateur pour pousser à entreprendre une démarche de travail sur soi qui peut se limiter à la dimension psychologique et relationnelle ou s’orienter et se diriger vers une dimension spirituelle. Cette dimension pouvant se s’ouvrir et se vivre au-delà d’une sensibilisation et d’une initiation à la possibilité d’un engagement de vie durable.

Les démarches fondées sur un travail sur soi, qui ont, au départ des motivations multiples et propres à chacun, peuvent entraîner une remise en cause des choix concernant la vie intime, sociale ou professionnelle. Elles peuvent susciter le dépassement d’une difficulté relationnelle perçue comme invalidante ou paralysante, provoquer la prise de conscience d’un manque, d’une mauvaise utilisation de ses ressources, faire prendre conscience des conduites d’auto-sabotage, inviter à sortir d’une dépendance, d’une addiction et peut être aussi donner accès à la dimension du divin, à la réconciliation avec une croyance religieuse qui sera alors vécue comme un choix plus conscient et permettre un engagement plus profond.

Trois grandes pistes s’offrent aujourd’hui à ces personnes en recherche d’elles mêmes :

  • commencer une démarche de type psychothérapeutique (nettoyage de la tuyauterie relationnelle liée au passé, réactualisation des liens significatifs, confrontation avec des blessures passées, des situations inachevées etc.) ;
  • envisager un travail de sensibilisation et de formation aux relations humaines sans avoir besoin d’un prétexte professionnel, pour s’y engager ;
  • ouverture et engagement de re-centration vers une démarche spirituelle.

Chacune de ses démarches n’est pas aussi cloisonnée qu’on pourrait l’imaginer. Si nous acceptons d’entendre que les 5 points cardinaux relationnel de tout être humain sont d’une part en direction du passé (enfance, famille), du présent (actualité et vécu immédiat), du futur (projection dans l’avenir) et d’autre part vers l’intérieur (relation à soi) et au-dessus (relation au divin), nous allons voir qu’il y a beaucoup de points de passage et d’accord entre chacun de ces points pour donner cohérence et unité à toute personne en recherche.

  1.   Ancrage au passé (relations significatives en amont de sa vie avec ses ascendants et les personnages significatifs de l’enfance, de son histoire familiale et impact des situations inachevées).
  2.   Ancrage au présent : (relations amicales, amoureuses, conjugales, professionnelles, sociales au quotidien avec leur lot de satisfactions et d’insatisfactions).
  3.   Ancrage au futur (relations aux enfants, engagements de vie familiaux, sociaux, professionnels).
  4.   Ancrage à soi-même avec la femme ou l’homme que nous sommes devenus (relations à soi même, dépassement des auto sabotages, des conduites répétitives, estime et amour de soi, doutes, non-confiance…).
  5.   Ancrage au divin (reliance ou accord avec une entité perçue comme divine, ou avec un enseignement, ou avec une personne choisie comme maître, guide…).

Pour ma part, je ne peux dissocier travail sur soi (dans une direction prioritaire à un moment donné) et recherche spirituelle, débouchant sur une meilleure acceptation, et une réconciliation avec le divin qui est en chacun. Que l’on place le divin au-dessus, ou en chacun de nous, il est important de pouvoir le reconnaître, le respecter et mieux l’intégrer dans sa vie.


Non seulement faire des projets mais en réaliser quelques uns !  

Par Jacques Salomé

D’où nous vient cette volonté de changement au début d’une nouvelle année ?

Le début de l’année dans l’imaginaire de beaucoup représente un nouveau départ, l’incitation à changer quelque chose dans sa vie, c’est une certaine façon de se mettre au monde et peut être aussi l’affirmation d’un désir important, prendre en charge sa vie, devenir co-auteur de sa vie.

Comment tenir les bonnes résolutions que l’on prend le jour de l’an ?

Il n’y a pas de recette pour tenir les résolutions prises en début d’année. Peut être faut-il apprendre à passer de l’intentionnalité ou du désir au projet, c’est à dire commencer à mieux différencier ce qui est de l’ordre de l’imaginaire et du réaliste et inscrire ainsi un peu d’imaginaire… dans la réalité.

Dire « je vais commencer à maigrir », ou « arrêter de fumer » n’a aucune valeur en terme de changement, c’est une façon de se déculpabiliser ou d’apaiser un malaise. Mais dire voici le moyen ou la stratégie que je mets en application pour maigrir, pour arrêter de fumer, cela est déjà un début de réalisation. Il est important de demander l’aide d’un proche, de se faire accompagner dans sa démarche pour être soutenue et valorisée.

Accepter aussi de s’interroger : est-ce une réelle volonté de ma part ou suis-je face à une pression proche ou sociale ?

La part de l’habitude sociale réside dans les vœux que l’on souhaite à l’autre et que plus secrètement (peut-être) on se souhaite à soi même.

Mais il y a toujours en gestation un désir de changer, non pas de devenir autre mais d’améliorer ce que l’on est, d’oser plus, de rencontrer le meilleur de soi.

Pour réussir à réaliser ou à tenir quelques unes des bonnes résolutions que nous prenons voici quelques balises possibles.

  • Ne prendre qu’une seule décision à la fois, celle qui touche à une question ou un problème qui nous paraît prioritaire.
  • Le changement envisagé n’est souvent que la partie visible d’un problème plus profond. Tenter d’entendre où se situe notre malaise, reconnaître notre blessure Autrement dit ne pas confondre le symptôme et la blessure. Notre mal être, la plupart de nos malaises sont des langages d’une blessure plus ancienne qui touche à l’image de soi et se situe autour de l’injustice, l’humiliation, la trahison, le rejet, l’abandon, le sentiment d’impuissance.
  • S’engager vis à vis de soi même. Cela veut dire offrir le résultat du changement envisagé à la petite fille, à la jeune fille, à la femme que nous avons trahi ou maltraité durant des années.

Quelquefois le changement peut se faire en direction de quelqu’un de proche, comme un cadeau que l’on voudrait lui faire.

  • Trouver un objet symbolique qui représente cet engagement et le porter sur soi, pour nous rappeler notre décision.
  • Au delà du désir s’appuyer sur un moyen concret. « J’arrête de fumer et je m’engage à porter sur moi une bouteille d’eau et je bois chaque fois que revient l’envie de fumer »

« A partir du moment où j’ai décidé de maigrir, je mets l’ensemble de mon repas sur un seul plateau, je visualise ce que je vais manger. J’ajoute une assiette vide et je dépose dedans deux minis portions de chaque plat. Je visualise ainsi tout ce que je mets dans mon estomac et comment parfois je le transforme en poubelle ! »

Mais il y aussi des obstacles à tout changement, peut être est-il possible de les contourner.

Paradoxalement beaucoup d’obstacles (critiques, plaisanteries, jugements de valeur viennent de l’entourage proche) qui en fait ne supportent pas votre changement, car cela suppose une remise en cause de leur relation avec vous.

Il est important de se demander pourquoi et surtout pour qui vous voulez changer. Si la décision n’émane pas de votre propre volonté, si vous tentez d’entrer dans le désir ou de répondre à la demande d’un tiers votre décision risque le plus souvent d’être vouée à l’échec (« J’ai arrêté de fumer pour faire plaisir à mon ami, mais en même temps je lui en voulais de ne pas m’accepter telle que j’étais…»)

Au delà de la satisfaction personnelle (gratification narcissique) que vous pouvez tirer d’un changement, il est important que celui ci soit reconnu, valorisé par l’entourage proche (et non saboté comme cela peut être le cas !)

Quand on fixe la barre trop haut, on s’impose un programme d’enfer et on se retrouve débordé, lâchant tout d’un seul coup.

Garder un regard lucide sur les conséquences provoquées par le changement. Vous pouvez aussi réévaluer et modifier vos choix.

« J’avais décidé de faire tous les jours, une heure de sport, j’ai vu que je en tenais pas le coup, j’ai eu envie de tout lâcher, puis j’ai décidé de me donner 20 minutes seulement par jour ! »

En se fixant des objectifs à court terme, dont on peut évaluer les résultats.

« Ce n’est pas en me pesant tous les jours ou en mesurant mon tour de hanche que cela m’a aidée… »

Il est possible de s’octroyer des plaisirs (car tout changement s’accompagne d’un certain nombre de privations et donc de frustrations…)

« J’ai mise de coté l’argent que je dépensais en cigarettes et au bout d’un mois j’avais de quoi acheter un chemisier ! »


Les petits bonheurs  

Par Jacques Salomé

Il y a ceux qui cherchent le bonheur absolu, le grand bonheur qui bouleverse leur vie et puis tous ceux, dont je suis, qui ont appris à apprivoiser les petits bonheurs de l’existence. Ces petits bonheurs que j’essaie d’accueillir quand ils me croisent discrètement, dont je ne me lasse pas d’évoquer le souvenir en moi, tellement ils m’ont rempli de joie et de plaisir.

Certains sont tout petits, quelquefois même si minuscules qu’une attention trop distraite les fait se perdre à jamais. Je découvre un peu ému, qu’ils sont tous précieux et j’aurais envie de dire, indispensables à l’équilibre de ma vie.

Cette perle de rosée qui s’attarde sur la vitre de ma chambre et qui scintille tel un diamant dans les premiers rayons du soleil, m’annonce un matin que le printemps ne va pas tarder.

Cette vapeur nacrée qui enveloppe telle une dentelle céleste les bords de la nuit quand le jour hésite encore à se manifester me transporte hors du temps, et me laisse croire un instant que je suis immortel.

Petit bonheur que ce bouquet de violettes qui poursuit sa pousse, tout au bord du chemin, blotti sous les feuilles brûlées par les derniers gels. Et tous ces plants qui, pourtant laissés sans protection à la rigueur de l’hiver, se redressent, promesses de fleurs, offertes à mon anticipation impatiente. Petit bonheur que le premier chant d’oiseau, dans la nuit sombre et froide. Il est à peine quatre heure trente du matin et dans le silence de la campagne endormie, un chant s’élève au loin. Me revient une comptine de mon enfance. Ma mère affirmait que le rossignol était de retour, chaque fois qu’elle entendait les premières notes du chant de son oiseau préféré scander sans une seule erreur : « la raison du plus fort est toujours la meilleure ! Oui, oui me disait-elle cela fait douze pieds comme dans les fables de La Fontaine, enfin pas toutes ! ». Ce matin je compte sur mes doigts, il y a bien douze pieds ! C’est bien lui ! Et un sourire de plaisir m’envahit, celui du bonheur retrouvé de mes croyances d’enfant, quand chaque certitude s’accompagnait d’une confirmation de ma mère, énoncée comme une évidence éternelle. « Quand on sait ce qu’on veut, on ne perd pas de temps à trouver ce dont on n’a pas besoin ! » « C’est comme cela qu’on va loin » ajoutait-elle toute songeuse.

Ma chatte, malgré tous les interdits, est nichée au creux de mes reins. Sa présence tiède appelle ma main sur son pelage soyeux. De ses deux pattes, elle enserre mon bras. On dirait qu’elle me tient. Elle me lèche doucement, deux ou trois fois, c’est sa caresse à elle. Je la sens vibrer. Elle ne sait pas ronronner, elle vibre seulement. Pas de bruit, un murmure intérieur, subtil qui emplit ma paume. Elle est heureuse d’être tout contre moi. Elle le dit à sa façon, c’est doux, c’est tendre, c’est bon. Et je peux même entendre, venant du fin fond de son enfance, une expression de ma fille cadette, quand elle disait « c’est bon, c’est encore ! ». Ce qui voulait dire : c’est tellement bon que cela ne doit pas finir ! De tels moments savent accompagner la nostalgie que je porte en moi, celle qui s’attache à tous les êtres chers, perdus, éloignés, disparus ou que je n’ai su garder proches.

Un autre instant doux, quand me revient en mémoire l’émotion d’une fin de vie, quand surgit l’éminence du départ ultime. Ce jour où j’ai su dire à cet ami, considéré en phase terminale, tout contre son oreille « tu as le droit de mourir tu sais, tu as le droit de nous quitter, d’aller vers cet ailleurs qui attend chacun d’entre nous… ». Il a souri, a rapproché d’un geste très doux  ma tête contre la sienne et a murmuré tout contre ma joue : « je suis content que tu sois venu, jusqu’à la fin tu auras été fidèle à toi-même, exigent avec toi, exigent avec tes amis… » J’aurais pu lui retourner cette parole, qui s’accordait si bien à ce que fut sa vie, à la façon dont il l’avait conduite, dont il se respecta.

Pendant que j’écris ce souvenir qui m’émeut, un petit roitelet, avec sa houppette dentelée est venu se poser sur le tremble-bonzaï de ma terrasse. Et sa présence, d’une intensité étonnante, a transformé soudain l’échelle de ma vision. Mon fidèle bonsaï, qui m’accompagne depuis quelques années dans mes écritures a parfois des états d’âme. Oui, oui il est si sensible à mes sautes d’humeur qu’il en perd parfois, pour me punir, toutes ses feuilles ce qui me rempli d’inquiétude pour sa santé. A l’instant il est devenu soudain tout petit à mes yeux. À moins que l’oiseau minuscule posé sur sa cîme ne se soit mué en géant des airs. Je l’ai observé un moment sans bouger, laissant ma tasse de thé tiédir au creux de ma main. Ce roitelet matinal est superbe de vitalité. Son envol a créé soudain un vide. L’arbre nain a retrouvé sa taille normale, une goutte de résine ambrée  brille de mille éclats au bout d’une branche, avant de glisser lentement sur la mousse du tronc. J’ai songé soudain à la présence de mes proches, dont la proximité réveille en moi l’envie de donner le meilleur de ce que je suis, dont les stimulations sont des appels à me dépasser, à transformer les gestes du quotidien en actes d’amour.

Au cours de la journée, certains bonheurs arrivent même par la poste ! Des dessins, des textes, des attentions gratuites, bienveillantes qui nourrissent ma relation avec tant d’inconnus. Je dépose quelques cartes, j’expose quelques textes avec lesquels je me sens en résonance sur un coin de fenêtre, pour accompagner la création du jour. J’aime ces signes de vie gratuits qui agrandissent la mienne.

Des petits et grands bonheurs, je peux en trouver partout, même dans l’énorme sac-poubelle que je m’apprêtais à fermer, quand, pour rechercher une adresse que je croyais avoir déchirée, je l’ai vidé sur le tapis de mon bureau et  découvert avec stupéfaction un bracelet de vieil argent. Cadeau d’anniversaire que j’avais fait pour les dix ans éblouis de ma fille, qui en a aujourd’hui trente et qui, au téléphone la semaine dernière, se désolait d’avoir égaré son bracelet lors de son dernier passage chez moi. Comment le bracelet a-t-il atterri dans le sac poubelle, cela est un des nombreux mystères qui jalonnent sa vie et le mienne, dont j’accueille chaque fois la présence et la malice avec émerveillement.

Et tous ces bonheurs intimes, qui naviguent dans un espace personnel, ciselé à leur mesure, inaccessibles et étrangers à tous ceux qui ne sont pas là pour les recevoir et que je garde en moi, dépôt de fidélité à l’offrande des retrouvailles. Bonheur aussi de ne plus me laisser blesser par le ressentiment, la rancœur, la colère, la rage qui autrefois me polluaient des semaines entières…

Petit bonheur encore que de m’éveiller un matin de novembre, avec trop de vague à l’âme en songeant à tous ces jours de grisailles qui vont occuper les semaines à venir. Dois-je vous dire que je déteste novembre : jours de plus en plus courts, ciel bas, horizon fermé, morosité ambiante, attente trop longue de l’hiver (plus stimulant)… Et soudain penser que la cheminée va ronfler ce soir, que je vais tenter quand  même, ce soir ou demain,  d’accrocher mes yeux à une étoile et de me convaincre que novembre, quand même, c’est la saison des spectacles, des conférences, des soirées musicales, que je vais m’emplir le cœur de quelques unes de ces soirées qui font danser les neurones et que dans quelques semaines, quelques semaines seulement, les jours vont commencer imperceptiblement à s’allonger avec au bout le printemps. Au fond novembre c’est l’amorce du printemps !

Les petits bonheurs déposés dans l’imprévisible d’un instant ne se cultivent pas et ne peuvent se mettre en conserve, car ils sont fragiles et périssables, tout au plus peuvent-ils s’engranger dans les strates secrètes de la confiance que j’ai en la vie. Il nous appartient de les cueillir ou simplement les accueillir car j’ai remarqué combien ils sont timides et effrayés par trop de volontarisme, de contrôle et d’entêtement. Il me souvient alors qu’une de mes filles me demandait à 7 ans « mais comment un miracle arrive-t-il ? » et que je lui ai répondu « en sachant l’accueillir, oui l’accueillir avec tes yeux, avec ton imaginaire, avec ta présence au présent ». Tout dernièrement je l’entendais chuchoter dans l’oreille de sa fille « tu sais la vie est pleine de miracles, il suffit de les accueillir… ». Petit bonheur cadeau.


Les nouveaux âges de la vie  

Par Jacques Salomé,“Générations Plus” – mars 2014 – n° 55

Dans l’histoire du développement affectif et social du petit d’homme, en quelques années seulement, deux nouveaux stades sont venus s’ajouter, à ceux habituellement décrits par les manuels de psychologie.

Ainsi entre le moment où je suis sorti du ventre de ma mère, il y a 77 ans et celui de l’instant où j’écris, il me semble que la vie de mes contemporains (comme la mienne) s’est considérablement élargie et approfondie.

Si l’on voit la vie comme un fleuve (qui n’est jamais tranquille), dont la source est constituée par l’arrivée au monde d’un bébé et dont le cours d’eau sera protégé et balisé par la petite enfance, puis canalisé et structuré par l’enfance, agité et bousculé ensuite par l’adolescence, parfois ancré et confirmé par l’âge adulte ou de maturité pour s’ouvrir et se répandre dans le dernier versant de la vie dans un estuaire large, profond, ramifié de milles canaux, étangs, sites naturels qui débouchent sur un immense océan d’infini qu’on appelle la vieillesse.

Sur ce fleuve aujourd’hui, sont donc venus se greffer deux autres affluents importants qui n’existaient pas autrefois. Classiquement, on décrivait la petite enfance, qui se rappelait à nous par de nombreux souvenirs heureux ou moins heureux, avec la mémoire fidèle du cœur et du corps, ensuite l’enfance et ses péripéties familiales et scolaires, puis l’adolescence, à la fois chaotique et intense, brumeuse et ensoleillée et, enfin, le début de l’entrée dans le monde des adultes avec le premier emploi, les premières amours, les enjeux d’une autonomie à conquérir.

Mais depuis deux ou trois décennies, entre le monde de l’adolescence et celui de l’âge adulte, est venue se loger, ce qu’il serait possible d’appeler l’adultolescence ! Stade qui a trouvé sa place entre 18 et 28 ans, sorte de nouvelle phase de latence avant l’entrée, parfois retardée ou crainte dans le monde adulte. Période pleine d’ambiguïtés, où un jeune adulte se trouve coincé entre une autonomie affective relative, une semi-autonomie matérielle, une pleine autonomie intellectuelle et une dépendance financière souvent quasi totale, envers les parents ou la société s’il est boursier, chômeur ou assisté par des aides sociales.

Tout se passe comme si les engagements affectifs, professionnels, sociaux et les choix de vie, qui confirmaient habituellement l’entrée dans l’univers adulte, étaient repoussés… à plus tard.

À l’autre bout de la vie est apparue une nouvelle étape, qui s’est insérée au moment de la retraite qui, il y a quelques décennies, était une sorte de confirmation de l’entrée “en vieillesse”, appelée troisième âge. S’est glissée une catégorie d’âge intermédiaire, qu’on appelle les seniors, située avant la vieillesse et l’arrivée de la grande vieillesse, elle-même repoussée encore plus loin, tout au bout de l’existence !

Cette phase du senior nous montre des êtres avec un corps bien conservé, qui sont vivants, très actifs pour beaucoup, avides de vivre une période de vie dynamisée quelquefois par le désir de rattraper le temps passé ou perdu à travailler, avec le désir de réparer une vie d’adulte vécue sur un mode trop trépidant, souvent morcelé, trop rapide. Avec le besoin, au-delà du désir, de s’accorder enfin des espaces de plaisir et de bien-être, des espaces de temps, s’ouvre souvent pour les seniors une période pleine de possibles. Ils n’ont jamais été aussi jeunes, avec des ressources, des moyens et des possibilités qui peuvent leur permettre de réaliser des rêves, des projets et des activités personnelles intenses.

Ainsi ce long fleuve de l’existence, qui trace sa route à un rythme qui est propre à chacun, nous réserve encore beaucoup de surprises et, quoi que certains en pensent ou en disent, l’existence vaut la peine d’être vécue à pleine vie.


Vivre le conflit désir-besoin, en laissant poindre le besoin  

Par Jacques Salomé, “Générations Plus” – novembre 2013 – n° 51

Nous sommes souvent confrontés, au profond de nous-mêmes, à un dilemme qu’il n’est pas facile de résoudre.

J’ai le désir de faire quelque chose, mais je sens que cela ne correspond pas à mon besoin profond. Cette dualité peut porter soit sur des enjeux bénins (« J’ai envie de sortir, de m’éclater avec des amis sans voir passer les heures et en même temps, j’ai besoin de me retrouver seul, de lire ou de récupérer quelques heures de sommeil nécessaires… »), soit sur des enjeux plus complexes (« J’avais le désir d’entrer dans cette relation amoureuse que me proposait cette amie, retrouvée après tant d’années et au même moment, je pressentais que cela risquait de me perturber, de me déstabiliser, de me replonger dans une dépendance dont je n’avais plus besoin. Je pressens que mon désir ne correspond pas à mon besoin de me respecter et aussi de rester fidèle à ma compagne… »).

Il me semble que dans le très beau film de Clint Eastwood, “Sur la route de Madison”, l’héroïne interprétée par Meryl Streep, vit ce dilemme et que, malgré son désir pour l’homme qui vient d’entrer dans sa vie, elle va respecter son besoin, celui d’être fidèle à une certaine image d’elle-même, en restant au foyer. J’ai cru comprendre que son choix ne reposait pas sur la fidélité à son mari, mais plus sur la fidélité à elle-même, dans la reconnaissance profonde de la femme qu’elle était.

Il semble que le désir soit plus dynamique que le besoin, plus porteur de ce mouvement qui, soudain, nous anime, nous porte, et même nous transporte vers l’objet de notre attirance.

Il ne m’appartient pas ici de dire ce qu’il est préférable de satisfaire, désir ou besoin. Cela dépend des équilibres, des mouvements relationnels, des engagements qui sont à l’œuvre dans telle période d’une vie, dans les tempêtes ou les plages de calme de notre existence. Mais il me paraît important d’accepter de s’y confronter, de ne pas faire l’impasse ou de rester aveugle autour des deux énergies qui vont se développer autour d’un désir qui se réalise et d’un besoin qui n’est pas satisfait ! D’un besoin qui, de toute façon, réclamera lui… satisfaction, à un moment ou un autre.

« J’avais vraiment le désir de faire ce voyage en Inde. J’en avais rêve depuis des années et j’avais commencé à passer du désir au projet, en bloquant une période de deux mois, en rassemblant mes économies, en contactant un ashram où je souhaitais me poser pour faire un peu de travail sur moi… Quand quelques semaines avant mon départ, un de mes fils m’interpella profondément par des comportements autodestructeurs, des fréquentations douteuses qui pouvaient le conduire vers la drogue ou la délinquance… J’ai modifié mon projet je l’ai aménagé pour respecter à la fois mon désir de faire ce voyage et mon besoin d’assumer mon rôle de père, de ne pas me dérober dans un moment où j’avais le sentiment que mon enfant avait besoin de moi. Je lui ai proposé de l’emmener. En précisant que ce voyage était important pour moi et que je souhaitais le vivre dans une dimension personnelle, importante à cette époque de ma vie et que je l’invitais à vivre lui, ce qui lui paraîtrait bon pour lui dans cette expérience. Ce fut très bénéfique pour l’un comme pour l’autre. Nous nous sommes rapprochés, rencontrés comme jamais nous n’aurions pu le faire dans la vie qui était la nôtre à ce moment là… »

Il n’est pas toujours possible de concilier désir et besoin. Nous avons tendance à nous laisser entraîner par le désir. Il me semble cependant que, dans le long terme, le besoin prévaudra, reviendra à la surface, se manifestera et parfois s’imposera face à un désir plus usé ou déjà comblé et donc moins dynamique.